Récits

Relancer le secteur du cuir du Zimbabwe

24 décembre 2013
ITC Nouvelles

Jusqu’en 2000, le Zimbabwe produisait 17 millions de paires de chaussures par an, et avait une industrie du cuir dynamique faite de petites et moyennes entreprises (PME) hautement compétentes, qui comprenaient des éleveurs, des collecteurs de cuir, des tanneurs et des fabricants. En 2011, cependant, la production de chaussures a chuté à 1 million à cause des crises continuelles, de la concurrence des importations de moindre qualité au Zimbabwe et dans la région, et des exportations de cuir et de peaux.

La tendance est à présent inversée, grâce à un projet dans le Marché commun de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique australe (COMESA), dans le cadre du Programme d'appui pour le renforcement des capacités de commerce international au service de l'Afrique (PACCIA II) du Centre du commerce international (ITC) : les PME du secteur du cuir de la région ont généré $E.-U. 5 millions de nouvelles commandes pour l’exportation, tandis que $E.-U. 4,3 millions sont toujours en négociations. De plus, les tanneurs ont pu traiter directement avec les importateurs et éviter les intermédiaires, ce qui leur a permis d’augmenter leur marge de 3 à 15%.

Dans le cadre du PACCIA II, financé par le Canada, le Zimbabwe a été sélectionné comme pays pilote pour mettre en œuvre au niveau national la stratégie régionale du secteur du cuir du COMESA, et l’industrie s’est rassemblée pour planifier la reprise après la fermeture de nombreuses entreprises.

La stratégie de l’industrie du cuir du Zimbabwe est basée sur un partenariat public-privé soutenu par l’ITC, l'Institut du cuir et des produits du cuir (LLPI) du COMESA, et le gouvernement du Zimbabwe.

Sindison Ngwenya, Secrétaire Général du COMESA déclare : « Si tous les cuirs et peaux brutes étaient transformés en marchandises finies, l'industrie du cuir du COMESA gonflerait des $E.-U. 450 millions actuels à $E.-U. 2,5 milliards ».

L'objectif de la stratégie du cuir du Zimbabwe est de transformer l'industrie du cuir en un secteur dynamique et compétitif à l'international, qui contribue au développement durable par la valorisation et l’augmentation des exportations de biens finis. Le total des ventes du secteur devrait être multiplié par cinq pour atteindre $E.-U. 116 millions.

Transformer l'industrie 

La stratégie va permettre de créer des emplois et générer des revenus en soutenant les PME et les micros entreprises. Elle encourage aussi l’établissement de centres de services pour des groupes de PME impliquées dans la fabrication de chaussures ou de pièces pour chaussures, afin d’augmenter la compétitivité et diversifier les marchés.

Pour Welshman Ncube, Ministre du Commerce et de l'industrie, la stratégie soutient la vision du gouvernement à transformer le Zimbabwe, passant « d'un producteur de biens primaires à un producteur de biens transformés à valeur ajoutée, à la fois pour le marché local et les marchés d'exportation ».

Cette approche a nécessité la création d’un conseil sur la chaîne de valorisation du secteur, géré par les parties prenantes, qui sert de plate-forme publique-privée pour définir les priorités de l’industrie, et chercher l’appui du gouvernement et des partenaires de développement.

Une approche axée sur le marché

L’évaluation du secteur a impliqué plus de 130 parties prenantes de l’industrie. Les entrepreneurs ont participé à des ateliers régionaux d'information, des foires commerciales, des visites commerciales et des réunions acheteurs-vendeurs. Les participants ont examiné leurs dépendances mutuelles, discuté des problèmes communs, et se sont accordés sur des objectifs pour renforcer une compétitivité qui réponde à la fois aux priorités de développement et aux priorités du marché.

Hernan Manson, Conseiller associé de l'ITC pour le développement des chaînes de valorisation, explique : « Le rôle de l'ITC a été de garantir que la bonne information de marché et la bonne expertise étaient fournies aux acteurs du secteur privé, de manière à ce qu'ils puissent eux-mêmes décider au mieux de leurs priorités pour faire avancer le secteur. »

Au cœur du projet se trouve le Comité de coordination de la Stratégie – une plate-forme de dialogue public-privé, de résolution de problèmes et de prise de décisions, qui rassemble le secteur privé, les institutions d'appui au commerce et le gouvernement.

La compagnie de chaussures Bata, un des plus gros fabricants de chaussures du pays, et un membre du Comité de coordination de la Stratégie, se fonde sur une production plus flexible en sous-traitant certaines activités lors de périodes économiques difficiles. Pendant le développement de la stratégie nationale du secteur du cuir, les opérations de Bata ont montré comment les industriels pouvaient travailler ensemble.

Luis Pinto, Directeur général, a décidé de soutenir ses anciens employés en leur louant des machines pour produire des dessus en cuir pour chaussures. Plusieurs d'entre eux ont créé leur propre PME, employant jusqu'à 40 employés. De cette manière, les PME ont un équipement fiable et un acheteur constant.

M. Pinto ajoute : « Aujourd'hui, ils travaillent avec nous, mais demain ils travaillerons avec l'ensemble de l'industrie de ce pays ».

Rodrick Rutsvara, Directeur général de Rutsvara Shoe Compagny à Gweru, pense que des progrès sont en cours. « Notre relation avec Bata croît de plus en plus parce que nous [avons] un plan. Une partie de nos chaussures sont fournies à Bata, d'autres sont vendues aux particuliers. »

Résoudre les problèmes politiques 

Bien que les raisons du repli du secteur du cuir du Zimbabwe soient complexes, le manque de matériaux bruts et d'accès aux financements pour acheter le matériau brut et investir dans l'actualisation des technologies ont été les principaux freins à la compétitivité.

Les collecteurs de peaux ont exporté environ 63% des 388 000 peaux collectées, sans aucune valeur ajoutée. Ceci a conduit à une sérieuse pénurie de matériau brut et a forcé la moitié des tanneries du pays soit à fermer, soit à s’endetter pour payer des prix supérieurs pour les peaux. Sur neuf tanneries, seules quatre opéraient encore en 2013.

Les éleveurs ont expliqué qu’il n’y avait pas de motivation à traiter ou vendre les peaux de manière correcte dans la mesure où ils ne touchent que de 0,20 à 1 dollar par peau. Les peaux auparavant utilisées pour la production de marchandises en cuir ont été gaspillées.

L'exportation des peaux brutes a sérieusement miné l'industrie. M. Ncube note que « la valeur moyenne du cuir et des produits du cuir exportés globalement en 2010 était de $E.-U. 184 milliards, dont $E.-U. 27 milliards pour les peaux et cuir. Sur ce montant, 40% sont des cuirs exotiques. En 2011, seules 2,2 millions de paires [de chaussures] ont été produites, tandis que 4 millions de paires de chaussures bon marché et synthétiques ont été importées, faisant de nous essentiellement des importateurs net de chaussures. »

La stratégie du cuir a fourni un appui sur mesure aux PME, et a répondu à leurs besoins dans les domaines du contrôle de la qualité, de l’emballage et des capacités de fabrication, ce qui leur a permis de se conformer aux exigences des marchés importateurs.

Pour Abigail Shoniwa, Secrétaire permanente au Ministère du Commerce et de l'industrie, « le secteur du cuir est un des secteurs prioritaires [du pays]. Le programme de l'ITC a répondu à nos attentes – ce fut un bon exemple sur la manière dont le gouvernement et le secteur privé peuvent travailler ensemble. »