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Pour que fleurisse l'inspiration

2 juillet 2012
ITC Nouvelles

En 1999, Charlotte Robert a pris un congé de son travail au Ministère de l'économie de la Suisse pour apprendre l'espagnol au Costa Rica. Sur le chemin de l'école elle était chaque jour frappée par l'odeur de fleurs poussant sur une plante particulière présente dans de nombreux jardins. Elle apprit rapidement que c'étaient des caféiers.

‘Ma première réaction a été de chercher un parfum qui contiendrait cette essence et j'ai demandé à une amie ‘nez’ professionnel à New York s'il existait une telle fragrance. Après quelques recherches elle m'a répondu que non’ raconte Mme Robert. C'est ainsi qu'a germé l'idée d'un commerce.

 

Le parfum de l'opportunité

Tout le monde n'a pas ce qu'il faut pour donner vie à une idée – volonté, vision, expérience pour que les choses se fassent. Tout le monde n'a pas le courage d'essayer. Et même lorsque l'on possède toutes ces qualités, les obstacles à l'entrée peuvent s'avérer trop élevés.

Mme Robert, ressortissante suisse, a attendu d'être à la retraite pour mettre son énergie au service de la création d'un parfum à base de fleurs de café. Estimant que le Costa Rica, avec sa population relativement bien éduquée, ses champs de café situés à proximité de laboratoires et ses touristes, était le meilleur pays d'Amérique centrale à partir duquel travailler, elle s'est lancée dans l'élaboration de produits.

À l'époque, elle ne connaissait rien ou presque à la création de parfums ou même à leur vente. Elle n'avait par ailleurs aucune richesse personnelle à investir dans l'aventure. Cela dit, elle possédait de nombreux atouts. Elle avait consacré l'essentiel de sa carrière au développement économique, principalement à gérer des projets, et faire des affaires dans un pays étranger ne lui faisait pas peur. Elle savait à quelles difficultés peuvent être confrontées les entreprises dans les pays à économie en développement et en transition. Elle parlait français, anglais, allemand et espagnol, un énorme avantage pour le marketing et le commerce à l'internationale.

‘J'ai dirigé des projets de développement dans plusieurs pays d'Afrique – Burundi, Ghana, Nigéria, Rwanda, Sénégal – alors une fois à la retraite, j'ai voulu lancer mon propre projet, à ma façon,’ affirme Mme Robert. Il a d'abord fallu trouver un caféiculteur bien disposé, et la première question posée était de savoir si la cueillette des fleurs affecterait le développement du fruit. Personne ne semblait le savoir. Même les ingénieurs agroalimentaires contactés par Mme Robert ne pouvaient donner une réponse définitive, mais un caféiculteur était prêt à essayer, et lorsque les premiers pétales ont été cueillis avec soin sur ses caféiers, le fruit commençait déjà à être visible.

En 2004, Mme Robert s'est à nouveau tournée vers son amie new-yorkaise pour lui demander de travailler avec un ingénieur chimiste de l'Université du Costa Rica pour voir comment extraire au mieux la fragrance des fleurs de café pour ensuite élaborer une base pour le parfum. L'année suivante, elles ont engagé le laboratoire costaricain Aqylasa pour marier les composants pour produire un parfum. Le résultat a dépassé toutes leurs attentes.

À partir d'un produit de grande qualité recelant un réel potentiel commercial, Mme Robert a créé Fleur de Café, et a consacré l'année suivante à travailler sur la marque, l'emballage et la distribution. Aujourd'hui, Fleur de Café est disponible en eau de toilette, lotion pour le corps, eau de soin pour le corps et eau de parfum.

Les tribulations de l'entrepreneur

Mme Robert est la première à reconnaître que tout n'a pas été rose. À chaque étape il lui a fallu courtiser les investisseurs et trouver des experts, se former à la cosmétique et à la parfumerie, et se frayer un chemin dans le dédale sans fin des obstacles juridiques et réglementaires rencontrés dans sa quête de clients et de marchés.

Fleur de Café a rapidement connu le succès auprès des torréfacteurs et des vendeurs de café, grâce à la ‘filière du café', mais ces ventes ne représentaient qu'un à-côté modeste et, reconnaissons-le, un artifice pour ces clients, ce segment ne recelant qu'un potentiel de croissance limité. L'origine costaricaine de l'entreprise s'est avérée un obstacle pour la vente aux touristes dans les pays voisins. Aujourd'hui l'entreprise axe les efforts de développement de son activité sur les marchés de niche des États-Unis et de l'Europe.

‘Assimiler les aspects techniques de la création d'un parfum a été beaucoup plus simple que réussir à accéder au marché européen. Le libre-échange est tout à fait théorique; dans la pratique, les obstacles sont titanesques. Comment aurais-je pu savoir qu'il fallait créer une filiale juste pour ouvrir un compte en banque? Comment aurais-je pu savoir comment gérer les impôts dans deux pays? Les problèmes de pollution, les allergènes, les exigences en matière d'embouteillage, il y a toujours un obstacle à surmonter’, déclare Mme Robert.

Même si en tant qu'entrepreneur cette dernière n'a pour ainsi dire pas été victime de discrimination liée au sexe, elle a appris qu'en Amérique latine une femme d'affaires doit faire attention à la manière dont elle exprime son désaccord avec un homme, surtout s'il est riche ou politiquement influent. D'après elle, avant de pouvoir instaurer une relation d'égal à égal, les hommes doivent être assurés de leur supériorité.

 

Renforcement des capacités locales

Fleur de Café nous démontre comment même une toute petite entreprise qui démarre peut avoir des retombées positives sur le pays dans lequel elle opère. Le directeur général de l'entreprise est une Costaricaine qui est en train de créer à elle seule un circuit de distribution aux États-Unis – une expérience commerciale précieuse. Pour maintenir les ventes encore modestes de 200 unités par mois, une trentaine de femmes locales complètent leur revenu en cueillant les fleurs en mars, un mois pendant lequel elle n'ont que peu de travail, et toutes les opérations sont réalisées par des entreprises costaricaines. Les capitaux de lancement de l'entreprise étaient aussi costaricains.

‘Lancer sa propre entreprise est totalement différent de la coopération au développement. En revanche, les chimistes, agriculteurs, ouvriers, investisseurs et employés acquièrent tous des connaissances et une expérience variées, notamment au regard de la discipline que requiert la fabrication de parfum. Cela pourrait bien les aider à créer dans le futur de nouveaux débouchés’ déclare Mme Robert.

 

Un obstacle trop élevé pour beaucoup

Mme Robert a récemment obtenu de nouveaux investissements pour financer la phase suivante de sa croissance. Dans l'intervalle, elle se demande comment les entrepreneurs ingénieux du Costa Rica et de toute la région peuvent pénétrer les marchés les plus lucratifs, étant donné les obstacles à l'entrée. À titre d'exemple, elle nous raconte avoir assisté à une foire commerciale en Allemagne il y a quelques années, où plusieurs autres entreprises costaricaines commercialisaient leurs matières premières destinées à l'alimentation, à la parfumerie et à la cosmétique. Seule une – Fleur de Café – a réussi à vendre en Europe. Les autres n'ont pas réussi à surmonter les obstacles commerciaux européens.

Afin de transmettre son savoir, Mme Robert souhaiterait trouver le temps de coucher son expérience sur papier ou de prendre part à des ateliers techniques sur les obstacles commerciaux, tant au Costa Rica qu'en Europe.

‘C'est fascinant au début de ne rien savoir sur ce que l'on veut faire, de se renseigner et d'apprendre auprès de ceux qui savent, puis d'apprendre un peu plus chaque jour. J'ai en cours de route rencontré des gens absolument fantastiques,’ conclut Mme Robert.

 

Tous les photos copyright avec Fleur de Café.