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Agroforesterie dynamique au Ghana : la réponse à un secteur du cacao en crise ?

24 juin 2024
Lawrence Attipoe et Sarah Charles, Centre du commerce international

Le Centre du commerce international (ITC) et ses partenaires au Ghana travaillent à une agroforesterie dynamique pour stimuler la production de cacao et améliorer la vie des agriculteurs.

En raison de la diminution des récoltes, les prix du cacao ont atteint un niveau record. La situation fait les gros titres des journaux qui soulignent comment la baisse de l'offre mondiale conduit l'un des produits les plus appréciés au monde, le chocolat, dans une situation précaire.

Comment en est-on arrivé là ? Les graves effets du dérèglement climatique ont considérablement affecté les récoltes dans les principaux pays producteurs de cacao, la Côte d'Ivoire et le Ghana, où les communautés d'agriculteurs en ressentent fortement l'impact.

Or, lorsque le niveau des récoltes chute, les prix flambent.

Sur les marché du cacao de New York et de Londres, les prix des fèves ont augmenté respectivement de plus de 160 % et de près de 190 %. Cette situation n'affecte pas seulement le prix du chocolat : les producteurs de cacao luttent pour conserver leurs moyens de subsistance tandis qu'ils assistent impuissants à la diminution des récoltes à un rythme alarmant.

Le Ghana recherche urgemment des solutions durables et à long terme. C'est pourquoi l'équipe de l'initiative de l'ITC Alliances pour l'action travaille avec ses partenaires sur une approche holistique qui prend appui sur l'agroforesterie dynamique. En effet, cette pratique permet de réparer les dommages causés à l'environnement, de restaurer les cultures, d'améliorer la santé des sols et d'offrir de nouvelles sources de revenus.

De nombreux cacaoyers ghanéens meurent en raison de la disparition de la canopée qui les laisse trop exposés au soleil. © Nana Kofi Acquah / ITC

Le cacao ghanéen subit de plein fouet les effets du changement climatique

Face à des vagues de chaleur plus fréquentes, à la succession de pluies abondantes et de sécheresses qui endommagent les récoltes, l'Organisation internationale du cacao a déclaré dans son récent rapport mensuel que l'offre mondiale de cacao devrait diminuer de près de 11 % au cours de l'année qui suivra la saison 2022-23. Au Ghana, les rendements de cacao sont en baisse, ce qui n'incite guère le million de petits fermiers qui en dépendent pour leur subsistance à en poursuivre l'exploitation.

D'autres facteurs tels que les prix défavorables du cacao, le manque d'investissement dans les exploitations, l'incidence croissante des maladies du cacao et l'âge moyen de 60 ans des cultivateurs de cacao participent également à la remise en cause d'un secteur du cacao durable au Ghana, à moins que des mesures drastiques ne soient prises.

 

Revitaliser les forêts de cacaoyers : les avantages de l'agroforesterie dynamique

Typiquement, une parcelle de cacaoyers en « agroforesterie dynamique » réunit plusieurs cultures : les cacaoyers, des arbres fruitiers, d'autres cultures de subsistance et des arbres à plus haute canopée – comme les arbres à bois d'œuvre. Avec des cycles de vie et des hauteurs différents, les arbres favorisent la biodiversité dans le système de production agricole. Cela crée un cycle fermé de nutriments qui imite les forêts naturelles et alimente un écosystème sain et équilibré.

Au Ghana, face au réchauffement climatique et aux pluies non saisonnières, les agriculteurs luttent pour maintenir leurs cacaoyers en vie et sécher correctement leurs fèves de cacao. Ceux qui parviennent à produire des récoltes décentes se retrouvent souvent sans revenus entre les saisons de récolte. L'adoption d'une pratique d'agroforesterie dynamique pourrait les aider à maintenir leur productivité tout en bénéficiant d'autres sources de revenus. Cette méthode naturelle possède de surcroît un atout supplémentaire : son faible coût.

« Si nous augmentons nos revenus, nous pourrons épargner suffisamment pour répondre à nos besoins essentiels et assurer notre santé. »
John Narh, agriculteur d'Alavanyo dans la région de la Volta au Ghana.
© Nana Kofi Acquah / ITC

Le projet Sankofa : de projet pilote au plan d'action

Le projet Sankofa a démarré en 2019. À l'origine, il s'agit s'un projet pilote destiné à être étudié et reproduit par les partenaires du projet, notamment ITC, la société chocolatière suisse HALBA, et les associations Fairtrade Max Havelaar, World Wildlife Fund et Fairtrade Africa.

Fort de l'approche de l'initiative Alliances pour l'action, le projet devait permettre de relever tous les défis critiques décrits ci-avant, en utilisant l'agroforesterie dynamique pour réhabiliter les exploitations de cacao dégradées. L'essai a bénéficié à 400 agriculteurs de la coopérative Kuapa Cocoa Cooperative Farmers Union and Marketing Limited, qui compte plus de 100 000 membres.

Les résultats ont clairement démontré le potentiel de l'agroforesterie dynamique. Aujourd'hui, le projet pilote a donné un nouvel élan à la production durable de cacao dans tout le Ghana, et le projet Sankofa 2.0 a démarré en 2023. La coopérative Kuapa est à la tête de cet effort, avec la création d'un Centre d'excellence Sankofa destiné à partager les enseignements tirés du projet pilote et à collecter de plus amples données numériques.

L'objectif de ce nouveau projet est de produire un impact sur l'ensemble des 100 000 membres de la coopérative grâce à l'accès au financement (en particulier pour les agricultrices et les entrepreneures) et à l'intégration des résultats et des enseignements du premier projet.

« Avant, les pluies arrivaient à temps et la plantation était facile. Mais au cours des quatre dernières années, la plantation du cacao est devenue difficile. Le soleil brûle trop et tue les plantes. En fait, si nous visitons mes deux exploitations, tous les cacaoyers sont morts. C'est le plus grand défi pour moi en tant qu'agricultrice. » Dorcas Koomson, cultivatrice de cacao à Beposo, dans la région d'Ahafo au Ghana.
© Nana Kofi Acquah / ITC

Une approche qui répond aux préoccupations mondiales

La composante centrale du projet de reforestation Sankofa est un bon outil pour accompagner le prochain Règlement sur les produits exempts de déforestation de l'Union européenne (UE). Deux mille arbres à cacao, à bois d'œuvre, à biomasse et à fruits plantés par hectare contribueront à rétablir une production saine et à regagner une partie des arbres forestiers perdus dans les zones de production de cacao du Ghana.

La Directive sur le devoir de diligence des entreprises en matière de durabilité de l'UE impose aux acteurs de la chaîne de valeur basés dans l'UE de faire preuve de diligence raisonnable dans leurs chaînes d'approvisionnement. Le projet Sankofa prépare justement les cultivateurs de cacao à la mise en œuvre prochaine de cette directive.

En outre, un des défis majeurs de la réhabilitation du cacao concerne la perte de revenus des agriculteurs avant que les plantations de cacao réhabilitées ne commencent à produire.  Avec des cultures saisonnières tout au long de l'année, y compris des cultures de rente et de subsistance comme l'igname ou le maïs, les agriculteurs pourront assurer leur sécurité alimentaire et compter sur des flux de revenus supplémentaires jusqu'à ce que le cacao soit prêt à être vendu.  

Enfin, outre la réduction du travail des enfants, l'engagement des jeunes dans le secteur du cacao est une priorité. Par ailleurs, la vente des récoltes excédentaires sur le marché local permet aux femmes, qui gèrent traditionnellement cette tâche, d'engranger également des revenus.