Discours

Discours prononcé par Mme Arancha González, Directrice exécutive de l'ITC à l'occasion de la Réunion des ministres du commerce du Commonwealth

18 janvier 2018
ITC Nouvelles
Mme Arancha González, Directrice exécutive de l'ITC, « Un programme de croissance », Lancaster House, Londres, 9 mars 2017

 

Lord Marland, Président du Conseil des entreprises et des investissements du Commonwealth
Respectable Dr Okechukwu Enelamah, Ministre de l’industrie, du commerce et des investissements du Nigeria
Honorable Dr Liam Fox, Secrétaire d’État au commerce international au Royaume-Uni
M. Shanker Singham, Directeur des Études sur les politiques économiques et la prospérité à l’Institut Legatum
Mesdames et Messieurs les ministres, Mesdames et Messieurs, Chers amis

C’est un honneur de prendre la parole à cette première réunion des ministres du Commerce du Commonwealth. Merci d’avoir convié le Centre du commerce international à ces discussions.

La dernière fois que le commerce a été au centre des discussions d’une conférence du Commonwealth remonte aux années 1930. À cette époque lointaine, l’organisation ne portait pas encore le nom de Commonwealth. Néanmoins, c’est le souvenir de cette sombre décennie qui nous hante aujourd’hui. Une décennie marquée par le protectionnisme et l’effondrement de la coopération économique internationale. Une décennie qui commença par la crise économique et se termina par la guerre.

L’ordre économique d’après 1945 a été établi par des dirigeants marqués par cette expérience qui les a convaincus de ce que « si les marchandises ne franchissent pas les frontières, les soldats le feront » Le système commercial multilatéral et son principe fondamental de non-discrimination nous ont bien servis.

L’économie mondiale ouverte a permis de sortir plus d’un million de personnes de l’extrême pauvreté. La prévisibilité et l’ouverture des marchés ont permis aux pays en voie de développement d’atteindre des taux élevés de croissance tout en rattrapant leur retard sur l’économie mondiale. De la Barbade au Sri Lanka en passant par l’Île Maurice, des pays ont utilisé le commerce pour sortir les personnes d'une agriculture et des services de subsistance pour un travail à plus forte valeur ajoutée. Importer des biens connus et exporter des biens demandés a été la voie la plus efficace vers une prospérité relative.

Au cœur des crises humanitaires et turbulences politiques actuelles, il est facile d’oublier les énormes progrès que nous avons réalisés. La plupart des personnes présentes dans cette salle peuvent se rappeler l’époque où l’extrême pauvreté était considérée comme un fléau qui ne pouvait jamais être éradiqué. Aujourd’hui, les Objectifs de développement durable des Nations Unies peuvent raisonnablement viser son éradication au cours des treize prochaines années. En tant que peuple, nous n’avons jamais été aussi alphabétisés. Jamais nos enfants n’ont eu une meilleure chance de fêter leur cinquième anniversaire.

Je ne veux pas prétendre que tous les pays et communautés ont pleinement profité de ce progrès. Beaucoup n’en ont pas profité, et j’y reviendrai plus tard. Mais pour l’instant, je dirai simplement que les bénéfices ont été réels. Et pourtant, l’ordre économique ayant soutenu cette prospérité croissante est menacé.

Par un retournement de situation que peu de personnes auraient pu entrevoir au tournant du siècle, la réaction contre la mondialisation vient des économies avancées. Cependant, en regardant de plus près, cela n’est peut-être pas aussi surprenant qu’il ne paraît. Bien que les pays développés aient également bénéficié du commerce, ces bénéfices n’ont pas été partagés équitablement. L’inégalité des revenus et des richesses a augmenté.

Trop de personnes sont décédées depuis une génération sans avoir connu une augmentation réelle de salaire. Faute d’investir suffisamment dans des politiques intérieures fiables pour une répartition équitable des avantages de la mondialisation, l’ouverture des marchés a été moins bien accueillie.

Une économie mondiale moins ouverte réduirait les chances des pays les plus pauvres de sortir de la pauvreté par le commerce. Même pour les pays les plus riches, le repli sur soi réduirait les gains de productivité provenant de la spécialisation, tout en incitant les partenaires commerciaux à riposter par leurs propres mesures protectionnistes. Il serait par conséquent plus difficile de générer les revenus croissants que souhaitent les électeurs en colère.

Les États membres du Commonwealth ont l’occasion, voire une responsabilité, de montrer le chemin aux autres en maintenant l’ouverture des marchés. Il existe trois démarches fondamentales pour y parvenir :

La première consiste à préconiser l’ouverture des marchés et à se servir de son pouvoir de coordination pour favoriser des échanges politiques francs sur le commerce. Un débat commercial fondé sur les faits prouverait que la technologie et l’automatisation créent des emplois, mais détruisent également davantage d’emplois que les importations ou l’externalisation. Aux États-Unis, le ratio est de 8 emplois perdus sur 10. Un débat commercial fondé sur des faits mettrait l’accent sur le fait que la valeur ajoutée est ce qui importe, et non les soldes commerciaux bilatéraux bruts. Un débat commercial fondé sur les faits porterait moins sur les chiffres commerciaux bruts que sur la mesure du commerce en valeur ajoutée. Un débat commercial fondé sur les faits reconnaîtrait également que dans un monde de chaînes de valeur multinationales, le protectionnisme sape la compétitivité des exportations et qu’une coopération sur des mesures non tarifaires est nécessaire pour réduire les frictions commerciales.

Mais un autre fait relatif au commerce est que certaines personnes sont mieux outillées pour en bénéficier que d’autres. Cela m’amène à la deuxième démarche : La deuxième consiste en la formulation par les gouvernements, des politiques nationales pour veiller à ce que les citoyens soient en mesure de s’adapter à l’évolution rapide des marchés du travail et d’en tirer parti. Nombre d’entre vous ont déjà placé la croissance inclusive au premier rang de vos priorités nationales.

La troisième démarche consiste en ce que, pour ce qui est des mesures de politique commerciale, les États membres du Commonwealth disposent d’une marge de manœuvre considérable pour accroître le commerce mondial, même dans le climat politique actuel.

À titre illustratif, l’Accord de l’OMC sur la facilitation des échanges, qui est entré en vigueur il y a deux semaines. Les pays représentés ici peuvent faire preuve de leadership et bénéficier des retombées économiques en mettant rapidement en œuvre les dispositions de l’accord visant à réduire les procédures administratives et les délais d’attente aux frontières. Pour certaines de ces dispositions, de nombreux pays en développement auront besoin d’une assistance technique et financière, et l'Accord de l'OMC sur la facilitation des échanges peut la leur fournir. Le Commonwealth peut travailler de sorte que la communauté internationale apporte l’appui nécessaire pour traduire la promesse du nouvel accord de l’OMC en croissance réelle des échanges commerciaux. Pas parce que ça fait du bien d’être charitable mais parce que la réduction des coûts commerciaux est le moyen par lequel 90% de vos entreprises, les PME en particulier, pourront s'internationaliser.

De nouveaux accords commerciaux bilatéraux, régionaux et plurilatéraux pourraient permettre aux États membres du Commonwealth de consolider et d'approfondir leurs liens commerciaux. L’une des priorités à cet égard devrait être de préserver l’accès des pays en développement et des pays les moins avancés au marché britannique, compte tenu de la volonté du Royaume-Uni de sortir de l’union douanière de l’UE et de veiller à ce que son départ perturbe le moins possible les flux commerciaux entre les États membres du Commonwealth. Des règles d’origine bien formulées pourraient permettre de se prémunir contre la perturbation des relations d’offre établies.

Mais si la négociation de nouveaux accords commerciaux est une bonne chose, les entreprises ont souvent eu du mal à tirer profit de l’ouverture des marchés telle que prescrite. Le respect d’une norme environnementale ou sanitaire clé peut s’avérer trop coûteux. L’obtention des certificats de preuve d’origine peut être inutilement compliquée. Les mesures non tarifaires sont exacerbées par le bas niveau de l’offre. Dans les pays en développement, en particulier, les entreprises peuvent tout simplement manquer d’informations sur les opportunités et les exigences des marchés d’exportation.

À l’ITC, nous travaillons à combler ce fossé entre les règles commerciales et les flux commerciaux, entre rendre le commerce possible et le concrétiser.

Un exemple de ce que j’entends par là provient de la Communauté de l’Afrique de l’Est. Le bloc, qui comprend le Kenya, le Rwanda, l’Ouganda et la Tanzanie, s’est engagé à développer une union douanière et un marché commun. L’ITC travaille avec les gouvernements et le secteur privé pour recenser et résoudre les problèmes, tels que la rareté des visas de travail à laquelle se confrontent les entreprises lorsqu’elles souhaitent faire des affaires au sein de la région.

Le Commonwealth pourrait se servir de son pouvoir de coordination pour faciliter le dialogue et le consensus international sur les mesures à prendre en matière d’offre afin de réduire les coûts commerciaux et rendre les entreprises des petits États fragiles et pauvres plus compétitives tout en facilitant leur accès aux marchés du monde entier. Les États membres du Commonwealth sont mieux placés pour apprécier le niveau des obstacles invisibles au commerce : grâce à un langage commun, des systèmes juridiques similaires et des groupes de diaspora en réseau, les coûts commerciaux bilatéraux entre les États membres du Commonwealth sont 19% inférieurs à ceux des pays non membres. En dépit de cet « effet Commonwealth », un rapport du Secrétariat datant de 2015 a toutefois établi que plus d'un tiers du potentiel du commerce intracommunautaire, évalué à $156 milliards n'était pas exploité.

Ce sont là des gains qui méritent d’être réalisés. Ce faisant, je vous exhorte à faire des petites et moyennes entreprises un élément important de tout « programme de croissance » piloté par le Commonwealth. Leur réussite concourt directement à la croissance et au développement inclusifs. Un peu partout, les PME représentent près de 70% d’emplois et l’écrasante majorité des entreprises. Mais, surtout dans les pays en développement, elles semblent beaucoup moins productives que les entreprises plus grandes, ce qui se traduit par de faibles salaires pour la majeure partie de la main d’œuvre. Ainsi, lorsque les PME sont outillées pour devenir plus compétitives et tirer parti des chaînes de valeur internationales, c’est une formule de croissance qui profite aux personnes au bas de la pyramide économique.

Un autre investissement en faveur de l’inclusion consiste à donner aux femmes les moyens de participer sur un pied d’égalité à l’économie et au commerce. Une plus grande égalité et plus d'opportunités économiques pour les femmes permettent aux familles d’avoir une meilleure santé et éducation. Elles permettent également que les entreprises soient mieux gérées et que l’économie nationale soit plus riche et plus compétitive. L’ITC est prêt à collaborer avec vous dans la réalisation des échanges commerciaux. Nous avons déjà des projets en cours dans plusieurs de vos pays et régions.

Dans les Caraïbes, nous nous efforçons d’accroître la productivité, la valeur ajoutée et les exportations dans le secteur de la noix de coco, afin que les agriculteurs et transformateurs puissent tirer profit de l’envolée de la demande mondiale des produits à base de noix de coco. Dans le Pacifique, l’ITC soutient la promotion d'une agriculture adaptée aux changements climatiques aux Fidji et l'augmentation de revenus des femmes qui tissent des sacs de bilum en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Nous travaillons en partenariat avec le Ministère britannique du développement international (DFiD) sur des initiatives « triangulaires » visant à attirer les investissements de l’Inde et de la Chine vers des secteurs des exportations en Afrique de l’Est. Et notre initiative SheTrades élargit les possibilités offertes aux femmes chefs d'entreprises partout dans le monde.

Avant de conclure, permettez-moi de remercier une fois de plus, le Conseil des entreprises et des investissements du Commonwealth (CWEIC) et le Secrétariat du Commonwealth d’avoir organisé cette réunion des ministres et de veiller à ce que les entreprises soient bien représentées aux côtés des gouvernements. L’ITC a hâte de travailler avec vous pour renforcer vos capacités commerciales et votre compétitivité, en vue d'une croissance inclusive et durable.

Je vous remercie.