De nombreuses voix pour un message crucial : autonomiser les femmes, c’est donner plus de poids aux achats

INTRODUCTION

Plusieurs siècles se sont écoulés avant que la loi n’accorde aux femmes les mêmes droits de diriger pays et entreprises – au bénéfice de l’économie mondiale. La corrélation positive entre l’égalité hommes-femmes et la compétitivité, le PIB par habitant et l’Indice de développement humain d’un pays, est une conclusion souvent citée du Rapport sur les inégalités entre les sexes du Forum économique mondial. Cette seule raison devrait suffire à pousser les dirigeants à lutter contre les plus flagrantes de ces inégalités, à savoir notamment le manque d’accès aux marchés dont souffrent les femmes, et les problèmes connexes tels l’accès aux financements et le renforcement des capacités. Les retombées positives peuvent être énormes: rien qu’au sein de l’Association de coopération économique Asie-Pacifique (APEC), l’on estime que le PIB annuel des 21 économies membres pourrait enregistrer une augmentation située entre $E.-U. 42 milliards et $E.-U. 46 milliards.

Les gouvernements, les entreprises et les institutions – y compris les organismes non gouvernementaux – achètent tous, sans exception, des biens et des services, depuis les fournitures de bureau jusqu’aux services de nettoyage. Ils doivent se demander dans quelle mesure ces dépenses bénéficient à des entreprises appartenant à des femmes.

Ces achats signifient la passation de marchés. Les marchés publics sont un élément clé du PIB de nombreux PED. Les achats des entreprises sont au cœur de l’économie mondiale: les entreprises du classement Fortune 500 dépensent à elles seules plus de $E.-U. 700 milliards chaque année en biens et services achetés. Selon WEConnect International, 1% environ de cette somme bénéficie à des entreprises appartenant à des femmes. Ce n’est pas faute de vendeurs de sexe féminin, ce sont plutôt les procédures d’achat qui posent problème. Le manque de connaissance des procédures de passation de marchés (où et quand les appels d’offres sont annoncés, comment y répondre) entrave l’accès des femmes à ces marchés. L’ITC travaille avec ses partenaires pour combler ces lacunes.

Les lecteurs du Forum du commerce international sont encouragés à s’impliquer dans cette problématique en rejoignant la Plate-forme d’action de l’ITC sur l’approvisionnement auprès des femmes commerçantes à l’adresse www.intracen.org/womenandtrade. Qu’ils soient acheteurs, vendeurs ou institutions œuvrant pour le renforcement des capacités commerciales, les membres s’engagent, entre autre:

• À s’approvisionner en produits et en services compétitifs auprès de femmes commerçantes;

• À partager leurs connaissances des politiques et pratiques de nature à améliorer l’approvisionnement auprès de femmes commerçantes;

• À appuyer, lancer ou améliorer les efforts d’intégration des femmes commerçantes dans les chaînes de valeur.

Les membres de la plate-forme sont les premiers à recevoir le formulaire d’inscription au Salon et Forum des femmes commerçantes (WVEF) – l’édition 2011 de cette rencontre est présentée dans le présent numéro. Pour encourager les gouvernements, l’ITC a organisé dans le cadre de la Conférence ministérielle de l’OMC de décembre dernier une Table ronde sur les marchés publics et l’approvisionnement auprès de femmes commerçantes. La réunion a permis de se concentrer sur la manière d’intégrer les femmes commerçantes dans les processus d’appel d’offre.

Salon et forum des femmes commerçantes : Nouvelles stratégies d’inclusion

Deux grands obstacles empêchent les femmes de se tailler une part plus grande des marchés publics internationaux, et aucun n’est simple à surmonter. Premièrement, les femmes entrepreneurs qui désirent vendre leurs produits ou leurs services à des multinationales ne savent souvent pas exactement ce dont ces entreprises ont besoin. Deuxièmement, bien que de nombreuses multinationales souhaitent s’approvisionner auprès de femmes commerçantes, elles ne savent pas comment les trouver – en particulier dans les pays dont le gouvernement ne dispose pas de statistiques sur les entreprises appartenant à des femmes. Même lorsque les acheteurs et les vendeurs se trouvent, les vendeurs ont parfois besoin d’assistance technique pour satisfaire aux exigences des entreprises internationales.

La première édition du Salon et Forum des femmes commerçantes (WVEF) s’est tenue à Chongqing, Chine, en septembre 2010, dans le cadre d’une stratégie sur 10 ans visant à surmonter ces obstacles. Le Forum a été organisé par l’ITC, la municipalité de Chongqing, la Commission du commerce extérieur et des relations économiques de Chongqing, et WEConnect International, et en partenariat avec l’Association chinoise des femmes entrepreneurs, la Fédération internationale des femmes d’affaires et professionnelles, l’Alliance internationale des femmes pour le café, SPINNA et Quantum Leaps. UK AID et le Ministère norvégien des affaires étrangères ont soutenu le Forum.

L’événement s’est inscrit dans le cadre d’une stratégie de la Plate-forme d’action pour l’approvisionnement auprès des femmes commerçantes, créée en septembre 2010. L’objectif de la Plate-forme est d’accroître la part des biens et services achetés à des femmes par les entreprises, les gouvernements et les institutions. Le message lancé par les membres représentants des entreprises telles Walmart, Accenture, Marriot International, Boeing et IBM, est qu’ils ont besoin d’aide pour trouver des vendeurs dans les PMA et les PED. Ils estiment aussi que nombre d’entreprises appartenant à des femmes auraient besoin de formations pour que leurs produits ou services satisfassent aux normes internationales.

Plus de 250 femmes entrepreneurs, dont 100 de Chine, ont pris part au WVEF, qui a également rassemblé des représentants de 55 grandes entreprises et institutions d’appui au commerce dont les formations sont essentielles aux entreprises appartenant à des femmes.

Virginia Wong, PDG de Dun & Bradstreet Chine, a prononcé l’allocution liminaire. Des tables rondes ont permis d’aborder, entre autres, les sujets suivants: ‘Pourquoi s’approvisionner auprès de femmes commerçantes: Arguments commerciaux et développementaux’, pendant laquelle Son Excellence Marlene Malahoo Forte, Ministre d’État du Gouvernement de la Jamaïque, a évoqué l’engagement de son gouvernement en faveur de l’approvisionnement auprès des femmes.

‘Nous devons investir dans les femmes pour alléger la pauvreté et permettre à nos économies de se développer, notamment par le biais du commerce,’ affirme Malahoo Forte. ‘Les gouvernements doivent donner l’exemple en faisant en sorte qu’un pourcentage donné de leurs achats soient effectués auprès de femmes.’

Deux demi-journées ont été consacrées au mentorat des acheteurs dans sept domaines : agroalimentaire, construction, automobile, technologies de l’information, textiles et vêtements, café et facilitation des échanges. Pendant ces séances, les vendeurs ont eu la possibilité de nouer des relations individuelles avec les acheteurs et de les écouter. Pendant le Forum, des transactions d’une valeur totale de $E.-U. 15 millions ont été conclues.

‘La prochaine étape consistera pour l’ITC à travailler avec ses partenaires pour leur permettre, ainsi qu’à d’autres femmes propriétaires d’entreprises, de satisfaire aux exigences des acheteurs,’ déclare Patricia Francis, Directrice exécutive de l’ITC. ‘Ce renforcement des capacités pourrait comprendre des formations dans des domaines tels que le respect des normes qualité, des prescriptions en matière d’emballage et d’étiquetage, ou la participation aux appels d’offres.’

La prochaine édition du WVEF aura lieu en 2012 dans le cadre de la poursuite de la stratégie à long terme d’intégration d’un plus grand nombre de femmes, et d’entreprises appartenant à des femmes, dans le commerce international. Comme le disait Patricia Francis, ‘par le biais de la plate-forme, nous pouvons aider à libérer les forces économiques que représentent les femmes, afin qu’elles puissent prendre la place qui leur revient au côté des hommes dans l’économie mondiale’.

Les dirigeants d’entreprises s’attachent à s’approvisionner auprès de femmes

La veille de l’inauguration du WVEF, plus de 30 dirigeants d’entreprises, fonctionnaires de gouvernements, et représentants d’institutions d’appui au commerce (IAC) et d’associations de femmes ont pris part à la Troisième table ronde de haut niveau sur l’approvisionnement auprès de femmes commerçantes.

Lors de la table ronde, la Directrice exécutive de l’ITC, Patricia Francis s’est engagée au nom de l’ITC à prendre langue avec de hauts fonctionnaires de gouvernements pour étudier le moyen d’augmenter les achats des gouvernements auprès de femmes commerçantes, ajoutant que l’ITC s’engageait à faire en sorte que les achats des entreprises auprès de femmes passent de 1% à 7% dans le cadre de la Plate-forme d’action sur l’approvisionnement auprès des femmes commerçantes.

Wang Hong Hua, Chef adjoint du Parti populaire de Chongqing, et le Professeur Li Shirong, Directeur général adjoint de la Commission du commerce extérieur et des relations économiques de Chongqing, ont souhaité la bienvenue aux participants et se sont exprimés sur la dynamique entrepreneuriale de Chongqing.

Les participants ont partagé leurs meilleures pratiques et échangé des conseils sur la façon de surmonter les obstacles à la réalisation du plein potentiel de la Plate-forme d’action, un potentiel considérable selon Meg Jones. ‘Le Programme femmes et commerce de l’ITC réunit plus de 30 000 femmes propriétaires d’entreprises, des IAC et, fait important, des entreprises internationales qui dépensent chaque année plus de
$E.-U. 700 milliards. Tirer parti de ce groupe pourrait avoir un impact considérable sur la chaîne d’approvisionnement mondiale.’

Monique Ward, responsable des achats chez Accenture pour la région Asie-Pacifique, a commencé à se demander comment son entreprise pourrait s’approvisionner en produits et services auprès d’entreprises appartenant à des femmes lors du Forum mondial de développement des exportations de Chongqing 2010. ‘Nous sommes principalement une organisation de service,’ affirme Ward, ‘de sorte qu’une grande partie de nos achats concerne du papier, de la technologie et du café pour nos employés’.

Un an plus tard, lors du WVEF, Ward a signé, au nom d’Accenture, une lettre d’intention d’étudier les possibilités offertes par IWCA. ‘Il s’agit là pour Accenture d’un premier pas dans l’étude des possibilités de s’approvisionner en café auprès de l’IWCA en Asie-Pacifique,’ déclare Ward. ‘Certains obstacles persistent, mais l’occasion nous est ici donnée de les surmonter.’

Avec l’ITC et WeConnect International Accenture a aussi signé une lettre d’attention de soutenir le futur renforcement des capacités de l’Association des femmes travailleurs indépendants d’Inde (SEWA) pour leur permettre de satisfaire aux exigences des acheteurs. L’accord fait suite à une commande passée par Accenture d’une valeur de $E.-U. 1 700 auprès de la SEWA pour l’achat test de blocs notes produits à partir de papier recyclé par des femmes pauvres.

Ward affirme que dans la région Asie-Pacifique, Accenture s’efforce aussi de s’approvisionner auprès de femmes commerçantes et que cette décision était motivée par des considérations commerciales. ‘Les organismes d’achat de classe mondiale sont en train d’élargir leurs chaînes d’approvisionnement pour plus de diversité. D’un point de vue économique, cette approche est parfaitement logique: elle permet de puiser dans une offre latente; elle permet de travailler avec des fournisseurs très souples, les entreprises appartenant à des femmes étant généralement plus petites et mieux à même de s’adapter à l’évolution de la demande; et les entreprises appartenant à des femmes sont souvent plus attachées à la durabilité environnementale.’

Philip DeVliegher, Marriott International

La philosophie du groupe Marriott International repose sur la diversité des fournisseurs. Pour la chaîne hôtelière internationale, elle fait partie intégrante de sa stratégie commerciale. ‘Le plus gros problème a été de trouver des entreprises appartenant à des femmes dans les PED,’ affirme Philip DeVliegher, responsable de la Diversité des fournisseurs de Marriott. ‘C’est WEConnect International qui a mis Marriott en contact avec l’ITC pour nous permettre de nous approvisionner auprès de femmes commerçantes en dehors des États-Unis.’

L’ITC a mis Marriott en contact avec l’IWCA, un proche partenaire de l’ITC. La chaîne hôtelière internationale étudie à présent la possibilité de s’approvisionner auprès de femmes caféicultrices d’Afrique et d’Amérique latine dans le cadre de l’IWCA.

DeVliegher explique que l’approche adoptée par le groupe Marriott n’est pas une initiative axée sur la responsabilité sociale des entreprises. ‘Il s’agit d’une initiative d’achats, d’approvisionnement stratégique,’ dit-il. ‘Le groupe Marriott recherche les meilleures produits à des prix compétitifs.’