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Les mesures non tarifaires: Enjeu de taille pour les politiques commerciales

24 septembre 2012
ITC Nouvelles
Dans la conjoncture actuelle, les mesures non tarifaires ont pris le pas sur les tarifs douaniers appliqués aux exportations des pays en développement.

Cette prévalence tient à ce que la capacité d'accès de ces pays à des marchés fiables est subordonnée au respect d'un nombre croissant de mesures réglementaires qui vont au-delà des politiques commerciales traditionnelles. Les MNT regroupent de nombreuses politiques pouvant servir différents objectifs. Certaines sont au service exclusif de la politique commerciale, tels les quotas, les subventions liées au commerce, les mesures de défense commerciale et les restrictions à l'exportation, mais la plupart d'entre elles découlent d'objectifs stratégiques non commerciaux, telles les mesures techniques concernant la qualité, la sécurité, la performance et la protection de l'environnement.

L'importance accrue des MNT dans la fixation des conditions d'accès aux marchés tient à deux grands facteurs. Premièrement, les sociétés modernes appliquent un nombre croissant de normes et règlements aux produits afin de satisfaire aux besoins grandissants en matière de santé, sécurité et protection environnementale. Deuxièmement, les politiques commerciales traditionnelles sont en perte de vitesse. Pour la majorité des gammes de produits non agricoles, les tarifs douaniers sont généralement bas suite à leur libéralisation sous les auspices de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce et de l'OMC puis des accords commerciaux préférentiels régionaux et bilatéraux. Les tarifs douaniers défavorisent désormais moins les pays en développement grâce aux programmes du Système généralisé de préférences et autres régimes préférentiels. L'incapacité de la libéralisation des tarifs douaniers à pleinement garantir l'accès des exportations des pays en développement aux marchés fait de la lutte contre les MNT, à visée discriminatoire et protectionniste notamment, un enjeu clé de l'intégration équitable et effective de ces pays à l'économie mondiale.

Les effets restrictifs des MNT sur le commercial mondial ont été récemment quantifiés par plusieurs études de la CNUCED et d'autres organisations. Les résultats sont éloquents; ils révèlent leur impact majeur sur le coût des transactions transfrontières et leur restrictivité plus forte pour le commerce que les droits de douane.

Dans des cas extrêmes, les MNT limitent nettement plus l'accès aux marchés que les tarifs douaniers. Ainsi, bien que les systèmes de préférence en vigueur octroient aux pays à faible revenu des droits de douane relativement faibles pour leurs exportations agricoles (5% en moyenne), une fois pris en compte l'équivalent ad valorem des MNT, l'effet restrictif total grimpe à près de 27%.

La CNUCED a engagé depuis longtemps la lutte contre les BNT qui affectent les pays en développement. Depuis longtemps, la CNUCED collecte, organise et diffuse aussi des données sur les MNT. Elle a effectué la première classification complète des MNT et, dès le début des années 1990, elle a collecté et organisé les données sur les MNT. Récemment, elle l'a perfectionnée en intégrant des MNT revêtant autrefois une moindre importance, telles les barrières au commerce et les normes sanitaires et phytosanitaires. Cette nouvelle classification a été adoptée par la CNUCED pour la collecte officielle des données sur les MNT et par l'OMC pour ses mécanismes de notification.

Ces dernières années, d'autres organisations régionales et internationales, dont l'ITC, ont contribué aux efforts de la CNUCED pour lutter contre les MNT et leurs effets sur les échanges mondiaux, sous l'égide notamment du Groupe de personnalités éminentes créé par le Secrétaire général de la CNUCED en 2006. Plus récemment, la CNUCED, l'ITC, la Banque mondiale et la Banque africaine de développement, ont lancé l'initiative sur la Transparence dans le commerce (TNT) pour améliorer les procédures de collecte des politiques commerciales et fournir gratuitement ces données via les plateformes respectives de diffusion. Cette initiative touche plusieurs domaines de la politique commerciale: tarifs douaniers, MNT, mesures de défense du commerce et réglementations sur les services. La CNUCED est l'agence de coordination des données sur les MNT.

Ce type d'initiatives multi-agences garantit la transparence, améliore la sensibilisation et fournit aux décideurs politiques et aux entrepreneurs des informations sur les politiques commerciales en pleine mutation. Les gouvernements et les entrepreneurs privés doivent être constamment informés des barrières et réglementations commerciales en vigueur sur les marchés d'exportation potentiels, et détecter les plus restrictives pour que les négociations commerciales et les mécanismes de facilitation du commerce leur accordent la plus grande priorité. L'initiative TNT permet aussi d'identifier et de contenir tout protectionnisme éventuel dans les politiques commerciales, notamment en période de crise économique.

Si améliorer la transparence est important, la recherche et l'analyse des politiques sont essentielles pour mieux comprendre l'impact des MNT pour les pays en développement. La CNUCED a produit divers documents analytiques sur les MNT, tels que des rapports pour ses réunions intergouvernementales et des documents de travail et travaux de recherche. Le rapport le plus récent (Non-tariff measures to trade: Economic and policy issues for developing countries, 2012) propose une analyse basée sur de nouvelles preuves de l'impact des MNT sur le commerce des pays en développement. Il montre l'évolution des divers types de MNT depuis 10 ans et la façon dont elles ont affecté de manière disproportionnée le commerce des produits agricoles et d'autres secteurs d'intérêt pour les exportateurs des pays en développement, notamment le textile et vêtement. Le rapport souligne aussi que l'effet des MNT dépend non seulement des cadres réglementaires mais aussi des procédures de mise en œuvre et des mécanismes de gestion. Puis il s'intéresse à l'élaboration des réponses politiques concrètes pour simplifier et harmoniser les MNT et montre que le processus multilatéral d'élaboration des politiques, quoique complexe, est essentiel pour réduire les effets restrictifs et discriminatoires des MNT sur le commerce.

Bien que la recherche et l'analyse récentes, de la CNUCED notamment, aient contribué à mieux cerner les MNT et leurs effets, de nombreuses questions politiques subsistent. Les effets discriminatoires potentiels des MNT sont un enjeu crucial requérant une analyse plus poussée. Même si en principe elles sont non discriminatoires, les MNT peuvent, pour différentes raisons, avoir des effets discriminatoires sur les pays en développement et les PME. Premièrement, ces pays et PME ont souvent une capacité plus restreinte ou supportent des coûts plus élevés pour se plier aux prescriptions de certaines MNT, notamment celles techniquement complexes, en raison de technologies de production moins sophistiquées, d'infrastructures liées au commerce insuffisantes, de services d'exportation inadéquats, ou simplement d'un manque d'économies d'échelle pour faire face aux coûts fixes liés au respect des exigences de nombreuses MNT. Enfin, la discrimination peut aussi venir d'un problème d'information. Les entreprises plus petites n'ont pas toujours les ressources nécessaires pour comprendre la nature et les effets des MNT pour leurs exportations, et la façon de s'y conformer. Enfin, la discrimination peut aussi venir de procédures administratives plus rigoureuses souvent appliquées aux importations des pays en développement, notamment des PMA.

Les MNT peuvent aussi avoir un impact important sur des questions plus générales de développement et il faudrait analyser davantage cet aspect, notamment pour ce qui a trait à la pauvreté et aux inégalités. Non seulement, elles freinent l'accès des PME et des petits agriculteurs aux marchés mondiaux mais confinent aussi les petits acteurs au marché national, d'où des répercussions profondes sur l'emploi et la répartition des revenus. La sécurité alimentaire est un autre problème intrinsèquement lié aux MNT; elle touche les restrictions à l'exportation, les normes et réglementations techniques et leurs processus internationaux d'harmonisation. Les normes peuvent entraîner une segmentation des marchés nationaux et mondiaux avec pour effet des excédents alimentaires et des zones de déficit alimentaire.

Il faut surtout développer des approches internationales globales et cohérentes pour s'attaquer efficacement aux MNT lors de l'élaboration des politiques. Il faut notamment identifier l'objectif premier de MNT spécifiques. Ceci affecte la façon d'aborder les MNT aux plans national et international. À l'intérieur, l'approche doit être équilibrée pour garantir que les MNT conservent leur raison d'être mais à un coût et une restrictivité faibles. Au plan mondial, alors que l'OMC se charge généralement des politiques protectionnistes explicites (subventions à l'exportation, quotas et exigences de contenu local notamment), les politiques qui servent des objectifs légitimes, comme la protection de la santé, ou l'environnement, doivent être évaluées via une analyse coûts-avantages approfondie. Les accords commerciaux régionaux et bilatéraux peuvent être une plateforme d'analyse adéquate pour ces évaluations. Les accords plurilatéraux sur l'harmonisation ou la reconnaissance mutuelle des réglementations et des normes techniques sont une autre alternative.

En résumé, la CNUCED considère l'amélioration de la transparence et de la compréhension des effets des politiques commerciales non traditionnelles comme un enjeu clé de l'agenda du commerce du XXIe siècle. Comme l'en a chargée la 13e Conférence de Doha en avril 2012, la CNUCED poursuivra son travail sur les MNT, en améliorant la collecte et la diffusion des données ainsi que la recherche et les analyses. La tâche étant immense, la CNUCED a opté pour une collaboration avec d'autres agences régionales et internationales et est convaincue que ce travail permettra de mieux comprendre les MNT au bénéfice de tous les États membres.