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Expansion Sud-Sud du commerce du café

12 décembre 2011
ITC Nouvelles

En règle générale, la chaîne de valeur du café se situe sur un axe Sud-Nord, du caféiculteur au consommateur en passant par le négociant, le torréfacteur et le détaillant. Il est néanmoins un maillon de la chaîne qui reste l’apanage du sud : le négoce des équipements de transformation du café.

Créée il y a 61 ans dans l’État de São Paulo au Brésil, Pinhalense est le plus gros fabricant d’équipements de transformation du café au monde, fournissant machines et services à 80 pays producteurs de café. L’entreprise estime que trois-quarts de tout le café produit dans le monde passe par au moins une machine Pinhalense avant d’arriver dans la tasse du consommateur.

L’entreprise n’a, bien entendu, pas toujours eu cette envergure internationale. Dans les années 50 et 60, Pinhalense commercialisait ses machines auprès des producteurs nationaux, et ce n’est que dans les années 70 qu’elle a commencé à exporter, principalement vers l’Amérique latine et l’Angola.

Au Brésil, les exportateurs de café étaient généralement aussi présents ailleurs dans le monde, et ils ont commencé à recommander les équipements Pinhalense pour ces usines aussi. Ce qu’ils ont trouvé chez Pinhalense – et pas chez ses homologues de l’hémisphère nord – c’était une profonde compréhension des procédés de production du café et des variables environnementales et sociales qui entrent en ligne de compte.

L’expansion géographique de Pinhalense n’a pas été sans difficultés. Même si les principes qui sous-tendent la production de café sont universels, les facteurs tels que le climat, les marchés cibles et les considérations sociales peuvent varier. Pinhalense a donc dû s’adapter.

‘Au début des années 80, Pinhalense a ouvert un département exportations et a commencé à se rendre dans les autres pays producteurs de café pour comprendre leurs besoins,’ relate Carlos Brando, Directeur de P&A Marketing International et ancien Directeur de Pinhalense. ‘Cette période a été pour nous riche en R-D. En observant ce que faisaient d’autres pays, nous avons trouvé de nouvelles solutions et avons compris que certaines étaient aussi applicables au Brésil.’

Pinhalense ne serait plus jamais la même. En 1985, l’entreprise exportait à destination d’une douzaine de pays, et moins de 5% de sa production étaient exportés. Dix ans plus tard, en 1995, elle vendait dans 50 pays et ses exportations représentaient environ un tiers de ses ventes.

 

De São Paulo à Mbinga

Un projet reflétant le travail de Pinhalense dans les PED a été lancé en 2007. Pinhalense a fourni une grande quantité d’équipements à un client à Mbinga, un district des hauts plateaux du sud de la Tanzanie produisant de l’arabica doux.

‘Notre client était négociant et exportateur de café, ‘ explique Brando. ‘Il avait besoin de plus de produit brut de la qualité requise par le marché. Les petits caféiculteurs de la région n’avaient pas les fonds pour acheter les machines qui leur auraient permis d’offrir cette qualité, de sorte que le négociant nous a acheté les machines et les a fournies aux producteurs. Nous leur avons bien sur aussi fourni une assistance technique par le biais du négociant.’

D’après Brando, la principale difficulté tient au fait que la technologie Pinhalense était différente de celle qu’utilisaient les producteurs. Ils utilisaient en effet des dépulpeurs à disque, et Pinhalense des dépulpeurs à cylindre – les techniques varient mais l’opération est la même. Ils appliquaient aussi un procédé de fermentation naturelle du café dans l’eau, lequel a été remplacé par un procédé mécanique.

‘Non seulement avons nous changé les machines, mais aussi l’approche même de la transformation du café,’ affirme Brando. ‘Ce qui a fait la différence, c’est qu’il existait déjà une demande. Nous n’avons pas eu besoin de vanter les avantages de ces procédés. Un acheteur – notre client – attendait qu’on lui fournisse du café traité à l’aide de cet équipement.’

Une série de lignes de production par voie humide de Pinhalense a été assemblée dans des communautés rurales pour servir de petits centres de transformation. Par ailleurs, une usine complète Pinhalense de traitement par voie sèche de grande capacité a été construite dans l’entrepôt principal du client. Les producteurs du voisinage apportent aujourd’hui les cerises récoltées aux centres de traitement pour qu’elles y soient dépulpées et pour retirer toute trace de mucilage avant le séchage. Après le séchage, le café de chacun des centres locaux est conduit à l’usine de l’entreprise pour y être nettoyé, trié, décortiqué et conditionné pour l’exportation.

Ce système permet aussi aux petites exploitations de la région de traiter leur café presque immédiatement après la récolte et d’éviter toute perte de qualité. Ainsi, les caféiculteurs ont commencé à livrer un produit de meilleure qualité, ils ont obtenu un meilleur prix, l’exportateur est devenu fidèle à son réseau de fournisseurs, et il a obtenu un produit de la qualité souhaitée.

Depuis le lancement du projet en 2007, la population de Mbinga et des villages voisins travaillent et la vie des caféiculteurs s’est améliorée. Les centres de traitement du café de l’entreprise et son usine de traitement par voie sèche emploient plus de 300 personnes. Le projet a encouragé les caféiculteurs à planter davantage de caféiers, ce qui a dopé la production dans la région et a permis d’améliorer les bénéfices et la qualité de vie des producteurs.

 

Pour que chacun soit gagnant tout au long de la chaîne de valeur

L’exemple de la Tanzanie a inspiré d’autres pays du monde. Mais en matière de durabilité, Brando souligne que le café produit selon des méthodes de production durables ne représente qu’entre 5% et 10% de tout le café vendu.

‘Lorsque j’ai lancé cette entreprise, j’ai regardé une carte du monde et j’ai ressenti un tel enthousiasme à l’idée de fournir de nouvelles technologies dans tous ces pays,’ relate Brando. ‘Nous avons modifié le profil de la filière café de nombreux pays et, dans le même temps, nous avons aidé les caféiculteurs à gagner plus d’argent et à devenir plus indépendants. Je suis très fier de ça.’

Ayant atteint les limites de son expansion géographique, Brando s’est tourné vers la technologie et s’est demandé comment améliorer encore l’industrie du café. Il s’est donc de plus en plus impliqué dans le conseil et le transfert de technologie.

‘Nous avons commencé à nous pencher sur des questions plus épineuses telles que la génération de revenus et la durabilité – pour voir comment nos équipements pourraient contribuer à améliorer les choses. Bien sur, concevoir des technologies est compliqué. Mais l’aspect social n’est pas négligeable. Vous ne pouvez pas simplement dire à un agriculteur que vous pouvez lui donner le moyen de mieux transformer son produit. Il lui faut un acheteur disposé à acquérir ce produit amélioré, et un marché. Ces problèmes d’ordre social et commercial peuvent être très épineux, et c’est cela qui me passionne aujourd’hui.’

 

PENAGOS HERMANOS EN COLOMBIE 

Penagos Hermanos & Cia. en Colombie est une autre entreprise d’Amérique latine qui produit et exporte depuis longtemps des machines agricoles servant à différents produits. Elle propose depuis les années 80 des équipements pour le traitement du café, et ses machines sont aujourd’hui utilisées dans de nombreux pays producteurs de café. Penagos a fourni des équipements pour deux projets liés à l’ITC.

Entre 1997 et 2000, l’ITC, l’Organisation internationale du café et le Fonds commun pour les produits de base ont travaillé ensemble dans le cadre d’essais menés dans des pays producteurs de café – adaptation des produits, des procédés et de la commercialisation du café aux nouvelles tendances en matière de consommation.

Cette expérience a notamment été menée en Ouganda. Penagos a fait don d’une unité intégrée mobile de dépulpage, qui dépulpe et retire simultanément le mucilage. Cette technologie, nouvelle à l’époque en Afrique, produit du café lavé et évite de devoir laver et frotter les parches à la main pour produire ce que l’on appelait jusque là du café semi-lavé.

En 2009, l’ITC et les partenaires locaux ont élaboré une stratégie nationale de production et d’exportation du café du Cameroun, et ce en étroite collaboration avec plusieurs organisations internationale et avec le soutien financier de la Commission européenne. À partir d’une des recommandations de la stratégie, en 2010 la Banque mondiale, via son Programme d’amélioration de la compétitivité agricole (PACA), s’est proposée de financer quatre petites stations de lavage de café biologique appartenant à quatre coopératives. Mi-2010, Penagos a remporté l’appel d’offres pour la fourniture de l’équipement, lequel est à présent opérationnel au Cameroun.

L’unité écologique est un système innovant qui simplifie le lavage du café grâce à l’enlèvement mécanique du mucilage au moment du dépulpage des cerises. Ce système présente l’avantage d’être moins gourmand en eau (moins 90% par rapport au café traité par voie humide).

Au regard de la demande croissante d’arabica lavé de grande qualité et du potentiel du robusta lavé, l’introduction de ce procédé devrait considérablement accroître la valeur du café camerounais. Les arabicas étaient jusqu’à présent essentiellement dépulpés manuellement par de petits exploitants. Cette technique peut produire du café de bonne qualité, mais ces nouvelles machines écologiques propres et régulières rendent le café particulièrement attrayant.