Avis d'experts

Vers des petits États insulaires en développement plus forts et plus résilients

24 avril 2024
S.E. Georges Rebelo Pinto Chikoti, Secrétaire général, Organisation des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique

 

Bien que les 39 petits États insulaires en développement (PEID) membres de l'Organisation des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP), qui en compte 79 au total, diffèrent par la taille de leur population, leur répartition géographique et leurs progrès en matière de développement, ils partagent des vulnérabilités multidimensionnelles similaires.

Il s'agit notamment d'une forte exposition aux risques de catastrophes naturelles et au dérèglement climatique, ainsi qu'à l'économie mondiale et à d'autres chocs et crises exogènes. À cela s'ajoute la faiblesse de leurs recettes nationales et des possibilités d'emprunt limitées.

 

Pour les PEID, le plus grand défi en matière de développement économique résulte de leur extrême vulnérabilité aux chocs extérieurs. Par définition, les PEID sont des économies ouvertes : une large part de leur PIB provient de leur commerce extérieur total.

Cependant, d'autres caractéristiques, telles que la taille réduite des marchés nationaux, les coûts élevés des infrastructures et du commerce, l'éloignement physique des marchés internationaux et le manque de diversification des marchés et produits d'exportation, contribuent à la spirale d'une faible compétitivité commerciale.

Entreprise de produits à base de noix de coco des Îles Salomon
© OEACP

Allier développement durable et renforcement de la résilience

Ces contraintes structurelles empêchent les PEID de l'OEACP de réaliser les investissements indispensables pour parvenir à un développement durable et pour renforcer leur résilience. Ils souffrent par conséquent d'une croissance économique anémique.

Le Forum des PEID de l'OEACP, instauré par l'Accord de Georgetown (version révisée de 2019), a pour mission d'élaborer des positions communes afin de préserver les intérêts des PEID, d'améliorer leur résilience et de remédier aux vulnérabilités. L'Accord de Samoa récemment conclu entre l'OEACP et son partenaire de longue date, l'Union européenne (UE), considère la lutte contre ces vulnérabilités comme un impératif politique.

S.E. Georges Rebelo Pinto Chikoti
Secrétaire général de l'Organisation des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique
© OAECP
Le Secrétaire général de l'OAECP sur un marché des Îles Salomon.
© OAECP

Un aspect nouveau de l'Accord de Samoa est l'appel lancé à l'OEACP et à l'UE pour que les deux organismes collaborent dans des forums multilatéraux sur des questions d'intérêt commun. Dans le cadre de la coopération internationale, l'accord prévoit une action collective en faveur d'une croissance et d'un développement économiques inclusifs et durables, ainsi qu'en vue de la préservation de l'environnement.

Les trois protocoles régionaux qui l'accompagnent permettent une articulation spécifique des vulnérabilités socioéconomiques et environnementales des régions Afrique, Caraïbes et Pacifique, et visent à développer la résilience au changement climatique et à inverser la dégradation de l'environnement.

Instaurer une croissance économique verte et durable

L'Accord de Samoa a pour fil conducteur la promotion de la croissance verte, des économies circulaires et des énergies renouvelables, en veillant à la complémentarité et à l'équilibre entre la croissance économique et la durabilité environnementale. L'économie bleue, l'agriculture, les énergies renouvelables et le tourisme durable constituent des priorités. Il est impératif que l'Accord de Samoa, que ce soit au niveau de l'OEACP ou au niveau régional, tire parti des complémentarités entre les dispositions économiques et environnementales.

Un exemple de cette approche transversale est la transformation des systèmes alimentaires verts (agricoles) et bleus (aquatiques) au bénéfice économique des pays de l'OEACP et de ses communautés. Garantir la gestion, l'utilisation et la conservation durables des vastes zones maritimes des 64 États côtiers de l'OEACP permettrait d'obtenir des avantages socioéconomiques et environnementaux considérables. Ce point est particulièrement pertinent pour les petits États insulaires en développement de l'OEACP, dont les vastes zones économiques exclusives dépassent de loin leur masse terrestre.

© OACPS

Faire face à la triple crise planétaire

Une petite entreprise à Saint-Vincent-et-les-Grenadines

Les PEID devront identifier et garantir les opportunités d'une économie bleue durable, et participer activement à la recherche de solutions pour l'exploitation des ressources maritimes et terrestres qui répondent à la triple crise planétaire du changement climatique, de la perte de biodiversité et de la pollution. Le rapport de l'OCDE intitulé L'économie de la mer en 2030 estime que les activités d'exploitation maritime pourraient générer 3 000 milliards de dollars à l'échelle mondiale.

L'économie verte, c'est-à-dire le marché mondial des échanges de ressources naturelles liées à la durabilité, notamment l'énergie, la sylviculture, l'eau, les minéraux, l'agriculture et la pêche, est évaluée à 4 200 milliards de dollars d'ici à 2050. La promotion des énergies renouvelables et du transfert de technologies pourrait répondre à une autre caractéristique économique structurelle des PEID, à savoir leur forte dépendance à l'égard des produits de base.

Petite entreprise de production d'huile de noix de coco dans les Îles Salomon
© OEACP

Besoins de financements et de mesures d'appui politique

Pour que les opportunités économiques commercialement prometteuses se traduisent par des résultats concrets, les PEID ont besoin de toute urgence de financements du développement et de mesures d'appui politique.

Premièrement, il faut donner au secteur privé des PEID les moyens de s'acquitter de ses devoirs en tant que partenaire efficace du développement, ce qui implique un renforcement institutionnel.

Deuxièmement, le renforcement des capacités juridiques et réglementaires permettra d'exploiter les opportunités économiques mondiales, d'autant plus qu'un accès efficace au marché passe de plus en plus par le respect des réglementations des principaux partenaires commerciaux.

Troisièmement, les investissements renforceront la capacité de production et la performance économique des PEID, tout en réformant le climat des affaires au sein de ces pays.

En outre, il est essentiel que les pays en développement vulnérables, et en particulier les PEID, bénéficient d'un financement durable du développement et d'un accès aux financements à des conditions préférentielles. À cet égard, l'Initiative de Bridgetown 2.0 et le recourt à l'indice de vulnérabilité multidimensionnelle (MVI) en tant qu'instrument complémentaire à l'indice de revenu national brut (RNB) par habitant constituent des priorités pour assurer la résilience et la durabilité des PEID.

Des partenariats multilatéraux pour assurer le succès

Le Secrétaire général de l'OAECP avec les membres de l'Assemblée régionale des Caraïbes dans le cadre de l'Assemblée parlementaire de l'OAECP.
© OAECP

La 13e Conférence ministérielle de l'OMC, qui s'est achevée récemment, a marqué une reconnaissance historique des PEID, comme le montre les deux références aux PEID dans la version zéro du texte du facilitateur ministériel sur les subventions à la pêche – une première dans un texte de l'OMC.

L'OEACP se félicite de l'appui apporté par le Centre du commerce international (ITC) pour renforcer le développement économique des PEID à travers divers projets, et nous apprécions son implication dans le Forum commercial des PEID qui s'est tenu en marge de la quatrième Conférence internationale sur les petits États insulaires en développement, ainsi que le rôle qu'il a joué en contribuant au projet de document final de la conférence.

L'OEACP demeure convaincue que cette conférence internationale majeure qui s'est tenue à Antigua-et-Barbuda se traduira par un appui politique ferme à ces économies vulnérables. Je ne m'attends à rien de moins qu'à ce que ces deux facettes de la vulnérabilité des PEID – économique et environnementale – fassent l'objet d'une attention tout aussi ambitieuse.