Entretiens

Une Gambie verte, un avenir vert

25 mai 2023
Entretien avec Kemo Fatty, Directeur de Green-Up Gambia

Le Forum du commerce s'est entretenu avec Kemo Fatty, militant pour la justice sociale et le climat, acteur du changement mondial et directeur de l'organisation communautaire Green-Up Gambia, au sujet de son combat pour un avenir plus vert, plus sain et plus durable pour l'Afrique.

 

L'activiste est également ambassadeur de l'initiative panafricaine de la Grande Muraille Verte, et travaille avec l'organisation à but non lucratif Civic et l'Union africaine pour déployer l'initiative en Gambie grâce à un mouvement unique rassemblant écopreneurs, agriculteurs, éleveurs et pêcheurs.

Comment Green-Up Gambia a-t-elle vu le jour ?

J'avais 16 ans quand j'ai réalisé que des milliers de jeunes Gambiens quittaient le pays pour émigrer en Europe, principalement vers les îles espagnoles des Canaries. Mon frère est parti quelques années plus tard pour ce même voyage.

Lorsqu'on demande aux gens les raisons de leur départ, il répondent toujours vouloir chercher des champs plus verts, des emplois, un pays plus productif, de manière à pouvoir vivre tout simplement. Les conditions de vie ici se dégradent saison après saison, et l'agriculture est devenue une véritable loterie. Qui pourrait leur en vouloir de partir ?

Je me suis porté volontaire auprès d'une organisation locale qui sensibilise les gens aux dangers de ce voyage. Mais cela n'a pas suffit – les gens perdent de plus en plus espoir, ils ne croient plus en leur propre pouvoir économique ni dans celui de la terre.

C'est alors que j'ai décidé qu'il fallait faire quelque chose pour éviter cet exode.

GreenUp Gambia
© Green-Up Gambia

Quelle est votre vision ?

Green-Up Gambia milite contre la migration en travaillant avec des jeunes et des femmes en agroécologie, en agroforesterie et en pratiques agricoles durables afin qu'ils puissent devenir résilients et, mieux encore, prospérer, et ce avec des émissions nettes nulles. Nous ravivons la richesse des sols et préservons la forêt naturelle de la Gambie pour que les gens puissent y rester.

Nous appuyons les entreprises sociales à travers le pays et essayons de décarboner les chaînes d'approvisionnement des entreprises pour lutter contre le dérèglement climatique. À ce propos, je crois que le meilleur moyen est d'adopter le modèle d'économie circulaire.

Kemo Fatty on the right, receiving a certificate for completing the International Visitor Leadership Programme

Comment aidez-vous les petites entreprises à cet égard ?

Avec l'appui du Centre du commerce international, nous avons formé plus de 40 jeunes entrepreneurs au développement de techniques de recyclage et de surcyclage pour leur entreprise.

Nous nous intéressons à la chaîne de valeur des déchets et nous les aidons à s'engager dans le commerce des déchets. Nous espérons également mettre en place un système complet de gestion des déchets avec les administrations locales afin de commencer à tirer davantage de valeur des déchets.

Il est choquant de voir les dégâts causés à nos écosystèmes par les déchets, en particulier par le plastique. Nous espérons que cette approche permettra de créer des « emplois verts » et de la richesse pour les communautés, tout en résolvant le problème le plus urgent de notre époque.

Je pense que nos efforts portent leurs fruits, car nous constatons des changements dans l'attitude des jeunes. Ils sont de plus en plus conscients des problèmes climatiques et commencent à adopter des approches plus respectueuses de l'environnement dans leurs activités, ce qui les rendra compétitifs à long terme.

GreenUp Gambia
© Green-Up Gambia

En quoi les effets du changement climatique influencent-ils votre travail ?

Le dérèglement climatique constitue une menace considérable pour l'écosystème de la Gambie et le cycle de production agricole du pays, ainsi que pour les conditions météorologiques. Mais tout le monde ne comprend pas l'ampleur de ces changements et le rôle qu'ils peuvent jouer pour enrayer la crise.

Au cours des dernières décennies, plus de 200 000 hectares ont été déboisés en Gambie, et plus de 100 000 hectares ont été perdus à cause de la désertification depuis 1998.

Au fil des ans, d'importantes pertes écologiques et économiques ont été attribuées au changement climatique, ce qui a accru la pression sur les ressources naturelles existantes et renforcé la montée des inégalités.

Quatre-vingt-dix pour cent des cultures sont alimentées par les eaux de pluie, et les changements climatiques affectent de plus en plus la population locale. Cependant, les agriculteurs comprennent mal le lien entre le dérèglement climatique, la déforestation et la désertification. Il s'agit notamment de restaurer les terres dégradées qui ont été abandonnées en raison d'une baisse de leur fertilité.

© Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification

En quoi l'initiative de la Grande Muraille Verte aide-t-elle dans la lutte contre le dérèglement climatique ?

Pendant longtemps, l'initiative de la Grande Muraille Verte a été supervisée uniquement par les pouvoirs publics, mais aujourd'hui, nous intégrons les communautés qui sont directement touchées.

Près de 15 ans plus tard, les progrès ont été plus lents que prévu : seuls 18 % de cette muraille verte ont été plantés.

Toutefois, l'idée au départ toute simple de dresser une barrière d'arbres à travers toute l'Afrique a évolué vers une ambition bien plus large : régénérer une région entière !

La Grande Muraille Verte est aujourd'hui une mosaïque d'initiatives locales qui, au-delà de la reconstitution des forêts naturelles, fournit de la nourriture grâce à une agriculture intelligente sur le plan climatique, crée des emplois verts, appuie les femmes pour qu'elles deviennent plus indépendantes, et reconstruit l'économie pour les jeunes générations.

L'initiative Green-Up Gambia a été appuyée par le programme Emplois, compétences et financement pour les femmes et les jeunes de Gambie, financé par le 11e Fonds européen de développement, et mis en œuvre par le Fonds d'équipement des Nations Unies (FENU) en collaboration avec le Centre du commerce international (ITC).