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Débloquer les embouteillages aux frontières

1 octobre 2013
ITC Nouvelles
Le besoin urgent de réformes politiques et d'investissement en infrastructure pour traiter les contraintes transfrontalières.

Les gouvernements ont tendance à associer APC et investissements dans l'infrastructure. Mais pour s'assurer que ces investissements soient rentables et soutiennent l'intégration économique, APC doit traiter les contraintes politiques et instaurer un dialogue élargi sur les politiques afin d'engager les parties prenantes dans des réformes.

Par exemple, les routes reliant Yaoundé, la capitale du Cameroun, et Bamenda, le centre économique de la partie anglophone du pays, sont en excellentes conditions et la marchandise peut être écoulée facilement. Même si un travail de rénovation est en cours, la route de Bamenda jusqu'à la frontière avec le Nigéria, et ensuite à Onitsha, le centre économique de la partie orientale du Nigéria, est encore en mauvaises conditions, avec un nombre élevé de points de contrôle qui génèrent des retards et des coûts additionnels.

En tant que l'un des principaux postes frontaliers le long des 1 700 km de frontière entre le Nigéria et le Cameroun, Mfum devrait être surchargée, et le commerce entre les deux pays florissant. Or, les mauvaises routes et l'infrastructure obsolète des frontières limite le commerce. Peut-être encore plus important – et cet aspect est souvent négligé – le commerce souffre en raison de mauvaises politiques et du manque d'uniformité dans l'application de ces politiques dans les deux pays. Pour les deux pays, il est clairement essentiel que les investissements dans l'infrastructure soient complétés par des réformes politiques importantes afin de s'assurer que ces investissements soient rentables et que les coûts du commerce soient réduits.

Les obligations légales et les impôts sont élevés pour faire du commerce entre les deux pays, même en comparaison avec les normes régionales. Pour la marchandise en général, les taxes légales s'élèvent à plus de 50% du prix des produits. Cela vient du fait que le Cameroun et le Nigéria appartiennent à deux communautés économiques régionales différentes (la Communauté économique des États de l'Afrique Centrale et la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, respectivement) avec des tarifs externes élevés et aucun accord de libre-échange entre eux. (Les taxes actuelles sont moins élevées en raison d'accords informels.)

Une multitude d'agences à la frontière et la transparence limitée dans les procédures provoquent d'importants retards. Les barrages routiers, en moyenne tous les 15 km, et les paiements informels qui y sont liés, sont endémiques. De plus, la réglementation du trafic routier empêchent les camions de traverser la frontière, de sorte que la marchandise doit être déchargée d'un côté et rechargée sur d'autres camions de l'autre côté. Cela génère des coûts directs et empêche l'émergence de fournisseurs de services de logistique intégrée qui pourraient augmenter la compétition et diminuer les coûts de transport.

L'amélioration de l'infrastructure physique est importante, mais les coûts et la durée des trajets ne devraient pas diminuer tant qu'on n'aura pas traité ces contraintes politiques. Cependant, ce sera difficile de créer un consensus au sujet des réformes, et ce pour diverses raisons. Le contrôle gouvernemental central se limite aux postes frontières et les commerçants négocient directement avec les douaniers, choisissant les postes frontières où le montant total des taxes, officielles ou non, est le moins élevé. Les commerçants et les douaniers préparent de connivence un formulaire qui semble appliquer correctement toutes les taxes et refléter fidèlement les taxes officielles. Or, la valeur des produits est nettement sous-déclarée, et les taxes non officielles ne sont pas comptabilisées.

Dans ce contexte, les douaniers encaissent les taxes non officielles et les commerçants font des économies en payant les taxes officielles et non officielles à la frontière et sur les barrages routiers, dont le montant correspond à seulement 10% à 20% des taxes légales. Les gouvernements centraux semblent être conscients que l'application à la lettre des politiques ne devrait pas augmenter leurs revenus. A la place, les bureaux régionaux des douanes ont publié des lignes directrices pratiques et plus réalistes pour la perception des droits de douane par véhicule pour minimiser la compétition entre postes frontières. Les principaux intervenants semblent alors bénéficier du status quo, et ceux qui perdent le plus, producteurs et consommateurs, semblent ne pas avoir leur mot à dire et doivent être intégrés dans les négociations.

Financer l'infrastructure est une tâche relativement facile, mais elle doit être complétée par des réformes politiques qui augmentent la transparence dans les procédures, s'attaque aux taxes non officielles et améliore la compétitivité dans le secteur des transports. Or, les partenaires du développement et les gouvernements souvent évincent ces réformes car elles sont longues, complexes et demandent des ressources considérables pour ouvrir le dialogue entre les agences et les parties prenantes. Afin de réduire les coûts du commerce de manière significative, il est essentiel que ces investissements s'accompagnent d'un engagement soutenu de la part des partenaires du développement et des décideurs politiques au plus haut niveau à l'interne pour établir des coalitions pour la mise en œuvre de réformes politiques globales.