Discours

Lancement de l’initiative SheTrades au Nigeria

19 janvier 2018
ITC Nouvelles
Discours prononcé par Mme Arancha González, Directrice exécutive de l’ITC, à l’occasion du lancement de l’initiative SheTrades au Nigeria
13 juillet 2016 - Abuja, Nigeria

Mesdames / Messieurs les Ministres,

Mesdames et Messieurs,

C’est un plaisir pour moi d’être ici aujourd’hui, et je tiens à féliciter le gouvernement du Nigeria et le NEPC d’avoir pris l’initiative et de jouer un rôle de premier plan dans le soutien à l’initiative SheTrades de l’ITC. Il s’agit d’un signal d’une extrême importance envoyé aux femmes ET aux hommes entrepreneurs au Nigeria indiquant que le pays souhaite soutenir les femmes en tant qu’agents de changement économique.

Aujourd’hui, nous mettons l’accent sur le partenariat visant à faciliter l’intégration des femmes dans le tissu économique nigérian en les connectant au commerce mondial. Les femmes constituent la cheville ouvrière de la quasi-totalité des économies. Pour ce qui est du Nigeria, je peux dire sans hésiter que les femmes sont au cœur même de la vie économique du pays, en particulier dans l’économie informelle. Je ne pouvais pas rêver d'un cadre meilleur que celui-ci pour lancer l’initiative SheTrades Afrique.

Permettez-moi de partager avec vous ce matin quelques points importants sur l'apport possible des femmes pour l'atteinte des Objectifs de développement durable si davantage d'ouvertures économiques leur sont offertes. Je vous entretiendrais ensuite brièvement sur nos accomplissements et nos capacités individuelles et de groupe, pour autonomiser les femmes et concourir au changement social avec en toile de fond l'objectif de ne laisser personne pour compte.

La portée de la puissance économique du Nigeria ne se limite pas seulement à l'Afrique. Elle est mondiale. Lorsque le Nigeria s’exprime, nous écoutons. Et lorsque le Nigeria s’engage envers les femmes comme c’est le cas aujourd’hui, les répercussions peuvent être considérables. Le Gouvernement du Nigeria a réalisé un travail d’une ampleur impressionnante au fil des ans dans le domaine de l’autonomisation des femmes ; comme en témoignent les les politiques nationales en matière de genre, qui mettent l’accent sur l’autonomisation des femmes tout en s’engageant à éliminer les pratiques discriminatoires défavorables aux femmes.

Toutefois, nous constatons que les femmes nigérianes et leurs homologues du monde entier continuent de se heurter à d’énormes difficultés.

De façon plus concrète, permettez-moi de vous présenter quelques-unes :

Au Nigeria, les taux de participation des femmes au marché du travail ont connu une hausse significative. Cependant, seulement 48 % de femmes participent au marché du travail, contre 64 % d’hommes. De même, le salaire des femmes ne représente que 58 % de celui des hommes. Égalité de salaire pour un travail égal !

La disparité de genre prévaut également lorsqu’il s’agit de l’accès aux ressources pour la création et l’expansion d’entreprises. Les femmes entrepreneurs au Nigeria se heurtent encore à des difficultés pour obtenir des prêts ou des crédits, et les entreprises de femmes comptent moins d’employés et sont moins pérennes que celles de leurs homologues masculins. Cette problématique n'est pas unique au Nigeria : elle est mondiale !

Selon la Banque africaine de développement, les femmes nigérianes représentent environ 70 % de la main-d’œuvre agricole ; 50 % de celle des activités liées à l’élevage et 60 % de celle du secteur de transformation des produits alimentaires, pourtant elles n’ont accès qu’à 20 % des ressources agricoles disponibles.

De plus, dans bien des domaines tels que les mines et la construction, les femmes ne sont pas autorisées à travailler de la même manière que les hommes. En effet, partout dans le monde, la constante ségrégation professionnelle fondée sur le genre enferme les femmes dans les pièges de la faible productivité et des emplois mal rémunérés. Cette ségrégation est souvent justifiée par la croyance que les femmes sont moins productives que les hommes. C’est une erreur ! À titre illustratif, les résultats montrent que les différences de productivité ont tendance à disparaître entre les hommes et les femmes en cas d'égalité d’accès et d’utilisation des facteurs de production. En ce qui concerne le Nigeria, des différences disparaissent d'ailleurs lorsque les femmes et les hommes ont un accès égal aux moyens de production.

Quels sont alors les fondements d'une telle ségrégation en matière d’emploi ?

Permettez-moi de m’attarder sur trois principales raisons :

Tout d’abord, les normes sociales contraignent les femmes à assumer une part disproportionnée des responsabilités de ménage et des soins aux membres de la famille, ce qui réduit par exemple, leur disponibilité et leurs horaires de travail, cause préjudice à leur entrée sur le marché, en particulier pour les emplois salariés formels à cause des horaires rigides et d'un minimum d’heures de travail requis.

Ensuite, les agricultrices et femmes entrepreneurs ont souvent moins accès aux facteurs de production tels que les terres et le crédit par rapport à leurs homologues masculins ; avec pour conséquence des différences de genre en termes d’échelle de production, de productivité, d’investissement et de capacité de croissance.

Enfin, la présence limitée des femmes sur certains marchés peut créer un manque de connaissances sur leur propre performance, lequel renforce à son tour l’absence d’accès à ces marchés. De plus, la conception et le fonctionnement des institutions peuvent faire preuve de partialité à l’égard des femmes, pérennisant les inégalités existantes.

Sortir de ce cercle vicieux nécessite des interventions qui lèvent les contraintes de temps, améliorent l’accès par les femmes aux facteurs de production et corrigent les défaillances du marché et des institutions. Cette situation a peu à voir avec le fait « d’être une femme » et est largement imputable aux préjugés auxquels sont confrontées les femmes chaque jour dans chaque pays de cette planète.

Malgré cela, les femmes constituent toujours le segment principal de l’économie informelle au Nigeria. Les opportunités d’emploi sont souvent refusées aux femmes en raison de leurs responsabilités familiales, du manque de compétences, des barrières sociales et culturelles : le secteur informel est alors généralement le seul moyen pour les femmes d’accéder à l’emploi et à un salaire. Dans ce secteur, elles ne jouissent d’aucune sécurité en matière de revenus, de prestation sanitaire et d'autres avantages sociaux disponibles.

Les femmes au Nigeria et partout dans le monde sont également confrontées à de nombreux obstacles juridiques et politiques. Par exemple, la législation du Nigeria ne rend pas obligatoire l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale. Travaillons donc ensemble pour changer cette situation. Œuvrons pour que le Nigeria serve d’exemple dans ce domaine.

De même, la législation n’impose pas la non-discrimination fondée sur le genre dans le recrutement et les mères n’ont pas la garantie d’occuper un poste équivalent après le congé de maternité (BM, 2016). En outre, tout indique qu’il reste des progrès à réaliser en termes d’autonomisation politique des femmes. En 2014, les femmes occupaient seulement 25 % des postes ministériels et seuls 7 % des femmes étaient membres de parlements.

Toutefois, ces données sont-elles vraiment importantes ? Oui !

Les résultats laissent penser qu’au niveau mondial, les femmes ont tendance à réinvestir environ 90 % de leur revenu dans le foyer afin d’améliorer la santé, l’éducation et le bien-être de leur famille. En revanche, seuls 40 % d’hommes réinvestissent leurs revenus dans leurs familles. Par conséquent, donner plus de chances aux femmes peut faire rompre les cycles intergénérationnels de la pauvreté et stimuler la croissance économique.

En plus de cela, les femmes autonomes sur le plan économique améliorent la situation de leurs homologues puisqu’elles emploient généralement d’autres femmes et personnes issues des groupes les plus vulnérables de la société.

Il ne fait aucun doute que l’autonomisation des femmes est la meilleure mesure à prendre. Elle accélère la croissance économique et entraîne un changement social positif, lequel influence positivement les conditions de vie de la société. En effet, la promotion de l’égalité des chances permettrait aux femmes de rapporter jusqu’à $28 milliards au PIB mondial d’ici 2025, permettant aux économies de réaliser leur plein potentiel.

En termes simples, plus la situation des femmes est favorable, mieux le monde se porte.

En se fondant sur cette hypothèse, 193 pays ont introduit l’égalité des genres comme composante de base du Programme de développement durable à l'horizon 2030 adopté récemment par les Nations Unies. En conséquence, l’autonomisation des femmes est cruciale pour la réalisation des objectifs de ce programme, en particulier en ce qui concerne les objectifs 5 et 8, qui visent à promouvoir l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes et des filles, ainsi qu’une croissance économique inclusive et durable et un travail décent pour tous.

Conformément aux Objectifs de développement durable et en réponse aux immenses défis auxquels font face les femmes entrepreneurs dans de nombreux pays, l’ITC a lancé l’initiative SheTrades, un appel à l’action qui vise à connecter un million de femmes entrepreneurs aux marchés d’ici 2020.

Afin de faciliter la connexion des femmes aux marchés, l’Appel à l’action est accompagné d’une plate-forme en ligne et d’une application mobile développées par une entreprise appartenant à une femme kényane, qui permettent aux femmes, en enregistrant leurs entreprises, de construire un réseau par lequel elles peuvent mettre en commun leurs compétences et ressources et se connecter aux grandes entreprises qui cherchent à s’approvisionner en biens et services spécifiques auprès d’entreprises appartenant à des femmes. En un mot, SheTrades est un intermédiaire mondial qui répond directement au besoin des acheteurs désireux de s'approvisionner auprès d'entreprises appartenant à des femmes.

Le travail de l’ITC repose sur le principe selon lequel le commerce peut être un levier puissant pour la résilience et la transformation économique lorsque les femmes ont la possibilité d'une pleine participation. À ce propos, l’ITC est heureux de lancer ce partenariat, conjointement avec le gouvernement nigérian et en coopération avec le Conseil de promotion des exportations du Nigeria (NEPC) mis en place par d'autres parties prenantes. En s’engageant à connecter 100 000 femmes nigérianes au marché, ce partenariat est un meilleur moyen de mobiliser le soutien politique et les ressources, et de se rapprocher de la parité totale de genre.

Une collaboration étroite avec des partenaires et des institutions est l’unique moyen d'impulser un changement positif, en ne laissant personne pour compte.

Merci pour votre attention