Avis d'experts

L'agriculture à petite échelle apporte la sécurité alimentaire

1 décembre 2022
Yan Rong Chang, Droit du commerce international, World Trade Institute, Université de Berne

Les pratiques agricoles durables dans les petites exploitations agricoles peuvent apporter la sécurité alimentaire et réduire la pauvreté dans le monde, en particulier dans les pays en développement et les pays les moins avancés.

Les petites exploitations agricoles jouent un rôle essentiel dans la promotion de l'agriculture durable, surtout dans les pays en développement et les pays les moins avancés.

Bien qu'ils n'exploitent que 12 % de l'ensemble des terres agricoles, les petits exploitants agricoles assurent pourtant près de 35 % de l'approvisionnement alimentaire mondial. Une proportion considérable de petites exploitations est concentrée dans les pays à revenu faible ou moyen supérieur, qui, selon la Banque mondiale, représentent respectivement 36 % et 47 % des terres agricoles dans le monde. Elle estime également que, dans ces pays, une moyenne de 59 % de la population travaille dans le secteur agricole.

Considérant cette proportion substantielle de la population, les petites exploitations agricoles pourraient bien constituer le principal moteur d'une agriculture durable, garantissant la productivité alimentaire et la stabilité des revenus dans les pays en développement et les pays les moins avancés.

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Réduire la pauvreté, améliorer la sécurité alimentaire

Les petits exploitants agricoles peuvent potentiellement favoriser une agriculture plus durable dans les pays en développement. Contrastant avec l'agriculture industrielle, les petites exploitations contribuent plus efficacement au maintien de cultures plus variées et à une productivité des terres par habitant plus élevée.

En outre, contrairement à l'agriculture industrielle, les petits exploitants agricoles allouent une proportion plus élevée de terres à la production alimentaire et génèrent moins de déchets alimentaires. Dans ce cadre, comme ils utilisent les engrais azotés synthétiques avec parcimonie, ils contribuent à réduire efficacement les émissions de gaz à effet de serre.

Lorsque les conditions climatiques sont stables, les petits exploitants agricoles sont moins susceptibles de recourir à la surexploitation des terres pour maintenir un rendement alimentaire suffisant, ce qui allège considérablement la pression environnementale. En cela, ils sont le moteur d'un écosystème plus résilient et durable, et constituent de ce fait le fer de lance vers la réalisation de l'objectif de développement durable (ODD) 13 des Nations Unies sur l'action climatique et de l'ODD 15 relatif à la vie sur terre.

L'agriculture régénérative atténuant les impacts causés par le dérèglement climatique, elle permettra à terme de réduire la pauvreté, et d'assurer un rendement alimentaire stable et donc la sécurité alimentaire, œuvrant ainsi respectivement en faveur de l'ODD 1 (Pas de pauvreté) et de l'ODD 2 (Faim « zéro »).

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Les défis sont nombreux, en particulier le dérèglement climatique

Nombre de défis doivent toutefois encore être relevés. Les petits exploitants, en particulier dans les pays en développement, sont plus vulnérables aux conditions météorologiques extrêmes. Ils sont touchés de manière disproportionnée par les changements climatiques et leurs capacités limitées compliquent l'adaptation aux chocs climatiques et aux baisses de la production alimentaire.

La forte dépendance à une agriculture pluviale augmente la vulnérabilité des petits exploitants agricoles face à une volatilité climatique allant croissant. Or, lorsqu'ils sont confrontés à l'instabilité des revenus et à l'insécurité alimentaire, les agriculteurs tendent à adopter des pratiques agricoles non durables, telles que le surpâturage et la déforestation, pour augmenter la superficie de terres arables.

De telles pratiques exacerbent à long terme la dégradation des terres, ce qui accentue le dérèglement climatique et les conditions climatiques extrêmes, et accroît davantage la vulnérabilité des agriculteurs aux catastrophes liées au climat. Par conséquent, des conditions climatiques plus sévères aggraveront encore la volatilité des revenus des ménages et l'insécurité alimentaire.

Pire encore, sans revenu stable et sans financement facilement accessible, les petits exploitants agricoles, en particulier ceux des pays les moins avancés, n'ont pas les moyens financiers d'investir dans des intrants agricoles résilients au climat (tels que des semences résistantes au climat et des engrais organiques) pour échapper à ce cercle vicieux.

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Vers une agriculture résiliente au changement climatique : les solutions

Face à la volatilité croissante du climat, la solution fondamentale commence par l'établissement d'un système agricole durable et résilient au climat.

Les fonds climatiques sont essentiels pour, lors d'une phase initiale, encourager les petits exploitants agricoles à adopter des technologies d'atténuation des effets climatiques, qui permettent de stimuler la productivité alimentaire tout en atténuant la pression environnementale. De même, les programmes de financement permettront d'amortir le choc climatique pour les petits exploitants agricoles et de garantir leur revenu de base et leur approvisionnement alimentaire.

Au niveau international, il existe plusieurs programmes de financement, notamment : le Financement des risques de catastrophe fourni par le Groupe de la Banque mondiale ; le Programme d'adaptation pour les petits exploitants agricoles établi par le Fonds international de développement agricole des Nations unies ; ainsi que le Fonds pour les pays les moins avancés et le Fonds spécial pour les changements climatiques initiés par le Fonds pour l'environnement mondial. Ces programmes de financement travaillent avec les secteurs publics et privés nationaux pour allouer conjointement des fonds aux petits exploitants agricoles qui en ont besoin.

Les intrants résilients au climat doivent être couplés à la formation. Les petits exploitants agricoles doivent apprendre à exploiter des technologies innovantes, à s'adapter aux changements climatiques et à transiter vers une agriculture régénératrice. Outre les vastes programmes de formation dispensés par des organisations ou des fondations internationales, l'apprentissage par les pairs joue également un rôle essentiel pour renforcer la volonté des petits exploitants agricoles d'adopter des pratiques plus productives et régénératrices, en particulier dans les communautés agricoles à forte densité des pays les moins avancés.

Avec des fonds suffisants et une formation appropriée, les petits agriculteurs pourront accéder à des ressources appropriées et à des informations actualisées, ce qui réduira efficacement l'asymétrie de l'information et renforcera leur capacité d'adaptation.

Enfin, l'autonomisation des petits agriculteurs conduira à un triple gain en termes de durabilité environnementale, de sécurité alimentaire et de réduction de la pauvreté, ce qui aura un impact profond sur l'agriculture durable.