Récits

La gestion des risques et la préparation doivent changer au sein des chaînes de valeur internationales.

20 novembre 2015
ITC Nouvelles

Au cours des trois ou quatre dernières décennies, les progrès technologiques et un environnement politique propice ont permis aux entreprises d'internationaliser géographiquement leurs opérations, afin d'accroître leur efficience, de réduire leurs coûts, d'accélérer la production, et de fournir de nouvelles opportunités à des millions de travailleurs.

Grâce aux chaînes d'approvisionnement internationales, les entreprises d'aujourd'hui cherchent à ajouter de la valeur dans leur production là où cela a le plus de sens. De fait, c'est devenu un élément clef de la compétitivité des entreprises. De leur côté, certains gouvernements – et non pas tous – reconnaissent que la participation aux chaînes d'approvisionnement internationales va contribuer à amener de la valeur et des opportunités pour leurs travailleurs et leur économie ; en conséquence ils cherchent donc à favoriser des cadre politiques accueillants.

Ces relations en matière de production reflètent l'interdépendance des nations, caractéristique de notre monde d'aujourd'hui. Elles reflètent aussi l'interdépendance parmi les sociétés de différentes tailles, avec des points forts ou faibles différents, et basés dans des endroits différents. Même s'il y a de nombreux avantages à ces chaînes d'approvisionnement internationales, elles amènent aussi de nouveaux risques, ou des risques renforcés, qui menacent leur durabilité. Ces risques doivent être correctement gérés par les entreprises elles-mêmes et les gouvernements nationaux, ainsi que par la communauté internationale dans son ensemble.

Différents types de risque peuvent perturber les chaînes d'approvisionnement. Certains sont spécifiques aux chaînes, comme ceux liés aux perturbations technologiques (innovation, changement du modèle commercial) ou aux perturbations engendrées par la modification du goût des consommateurs ou de la réputation d'un produit. D'autres risques sont d'une nature plus spécifique au lieu géographique, fonction de dérèglements sociaux (grèves, conflits armés, terrorisme) ou naturels (séisme, nuage de cendres volcaniques).

Les troubles liés aux changements politiques (par exemple les politiques commerciales, les réglementations) peuvent être rangés dans une autre catégorie. Les perturbations macroéconomiques – telles que les crises financières – peuvent se révéler systémiques en nature et avoir un impact global qui affecte l'ensemble des chaînes d'approvisionnement. Dernier point, mais non le moindre, certains risques ont le potentiel de déclencher des changements fondamentaux dans les dispositifs des chaînes d'approvisionnement. Ce pourrait être le cas avec l'apparition des imprimantes en trois dimensions (3D) – qui ont le potentiel de changer radicalement le rôle des pôles de fabrication et de logistique au sein des chaînes d'approvisionnement – ou avec les tendances à long terme en matière de répartition mondiale des richesses, qui pourraient modifier le point d'origine d'une chaîne d'approvisionnement et son point final.

Chacune de ces perturbations peut affecter tous les acteurs du secteur privé au sein d'une chaîne de valeur. Mais la portée de l'impact peut différer selon la position de chaque entreprise individuelle, à la fois de manière littérale (lieu géographique) ou figurée (rôle au sein de la chaîne d'approvisionnement). La portée de l'impact dépendra de la manière dont le risque est géré en amont, par anticipation, ainsi que de la disponibilité de stratégies de réduction des risques pour chaque étape de la chaîne. La présence de stratégies de réduction des risques va aussi dépendre pour une grande part de la nature et de la prévisibilité des risques.

Les perturbations spécifiques aux lieux géographiques peuvent se révéler hautement troublantes pour les acteurs liés à cet endroit. Pour les sociétés internationales, au contraire, les risques de nature géographique sont souvent gérables, dans la mesure où elles se procurent en général leurs intrants de sources géographiques différentes, ou peuvent modifier leur stratégie d'achat. Les responsables politiques doivent en être conscients. L'instabilité politique peut avoir des conséquences majeures sur le potentiel des entreprises locales à se relier aux chaînes de valeur. Même des changements mineurs dans l'élaboration ou l'administration des politiques peuvent avoir des effets majeurs sur l'économie locale si elles affectent les décisions en matière d'achat des grandes sociétés. Les pays qui auront acquis une réputation d'instabilité et d'imprévisibilité seront évités par les principaux acteurs des chaînes d'approvisionnement mondiales et pourraient avoir du mal à inverser de telles réputations.

Parfois, les facteurs externes changent lentement, et les risques qu'ils entraînent pour les chaînes d'approvisionnement sont en principe prévisibles. Toutefois, de tels risques prévisibles ne déclenchent pas toujours le même type de réaction, sans doute parce qu'ils ne sont pas perçus comme des menaces immédiates. La montée de la classe moyenne en Asie, par exemple, a modifié la configuration et la forme des chaînes d'approvisionnement, selon un processus qui a démarré de nombreuses années auparavant. De plus en plus de chaînes d'approvisionnement aboutissent au point de consommation dans les pays émergents. Ceci détermine où les activités de distribution et de marketing doivent avoir lieu. Dans la mesure où une large part de la recherche et du développement (R&D) est dédiée à adapter ses produits et services aux besoins des consommateurs, elle aussi glisse de plus en plus vers les marchés émergents. Pourtant, les manuels universitaires nous disent encore que les activités de R&D sont établies dans les pays « industrialisés ».

Le fait de prévoir et gérer les risques spécifiques aux chaînes de valeur doit réellement faire partie du travail quotidien de tout acteur au sein d'une chaîne de valeur. Les cycles de vie des produits deviennent de plus en plus courts, les changements se font plus rapidement, et sont plus « international » de nature. Du coup, la prévision et la gestion des risques sont devenus des défis, mais sont aussi devenus bien plus importants pour pouvoir réussir dans les affaires. Être prêt à changer et à s'adapter aux changements des marchés devraient être gravé dans l'ADN de tout entrepreneur et, dans la mesure du possible, l'environnement politique devrait faciliter pour les entrepreneurs les possibilités de prévoir et de gérer les changements.

Les PME dépendent plus que leurs grands concurrents de la qualité de l'environnement des affaires, afin de pouvoir gérer les risques et les changements au sein des chaînes d'approvisionnement. Il est vrai que les acteurs de petite taille sont parfois plus agiles, ce qui est un avantage dans un environnement changeant. Cependant, les coûts des stratégies de gestion des risques représentent aussi une lourde charge pour les petites entreprises.

En conséquence, les PME ont plus de facilité à survivre et prospérer au sein des chaînes d'approvisionnement régionales ou internationales si elles opèrent dans des environnements politiques stables et prévisibles, et ont un accès immédiat à des informations de haute qualité et à jour sur les développements des marchés qui leur sont pertinents. La prise de conscience en temps opportun des menaces peut permettre d'éviter une crise, et au contraire d'identifier de nouvelles opportunités.

Cet article est tiré de la publication de l'ITC, les Perspectives sur la compétitivité des PME 2015.