Discours

Discours de la Directrice exécutive de l’ITC au MC11

10 avril 2018
ITC Nouvelles
Discours prononcé par la Directrice exécutive de l’ITC, Mme Arancha González, lors de la 11e conférence ministérielle de l’OMC

Monsieur le Ministre Malcorra
Monsieur Azevêdo, Directeur général de l’OMS
Messieurs les Ministres
Mesdames et Messieurs,

Je prends ainsi part pour la septième fois, à la Conférence ministérielle de l’OMC et, à bien des égards, celle-ci est la plus importante. Le commerce et la coopération multilatérale sont aujourd’hui confrontés à de sérieuses turbulences. Dans certains milieux, le commerce est considéré comme un jeu à somme nulle. Le multilatéralisme est perçu comme un affaiblissement de la souveraineté nationale. Pire encore, comme l’apanage des faibles. Cette conférence ministérielle a la responsabilité de rétablir les faits,

et le commerce et le multilatéralisme en sont les outils. Le commerce est un outil qui peut nous permettre de générer de la croissance et des emplois ainsi que de juguler l’extrême pauvreté d’ici 2030. Le multilatéralisme, quant à lui, peut faciliter la mise en œuvre dans un esprit de coopération, en maximisant les avantages tout en minimisant les restrictions transfrontalières. Comment assurer la survie de nos stocks de poissons si ce n’est par le biais de démarches multilatérales visant à réduire les incitations à la surpêche ?

Comme pour tout autre outil, la question est de savoir ce que les pays en font. C’est pourquoi le commerce multilatéral doit être combiné avec des politiques nationales fiables et des investissements intelligents.

J’ai passé la majeure partie des deux dernières années, notamment depuis la 10e conférence ministérielle au Kenya, à plaider pour la force du multilatéralisme. L’organisation que je dirige, le Centre du commerce international, l’agence conjointe de développement de l’OMC et des Nations Unies, a pour objectif principal la promotion d’une croissance axée sur le commerce en vue du développement inclusif et de la création d’emplois.

Et les personnes que je rencontre sur le terrain dans vos pays continuent de mettre l’accent sur ces convictions. Il s’agit précisément des deux femmes d’affaires que j’ai rencontrées au Sénégal il y a quelques semaines. Marième est ingénieur informatique en charge d’une société de services informatiques à Dakar. Aminata dirige une moyenne entreprise de mangue à l’extérieur de la ville. À première vue, elles ne se ressemblent pas beaucoup. Mais toutes les deux considèrent que les exportations sont au cœur de l’avenir de leurs entreprises.

Il s’agit de Rosalie, une tisserande du Burkina Faso, qui peut maintenant envoyer ses enfants à l’école grâce à son accès à de plus grands marchés pour ses produits textiles, Nabila au Maroc, qui achemine aujourd’hui ses produits cosmétiques sur les marchés internationaux via le commerce en ligne, ce qui lui permet de décupler son chiffre d’affaires, Swaby en Jamaïque, qui crée de la valeur ajoutée pour son entreprise de transformation de noix de coco grâce à de meilleures normes de qualité. Et Mohammed en Gambie, qui est un jeune entrepreneur employant d’autres jeunes entrepreneurs à travers la création d’une entreprise évolutive par le commerce.

Pour toutes ces personnes et des millions d’autres comme elles, le commerce est une voie vers des marchés plus vastes, une plus grande compétitivité, une plus forte valeur ajoutée et la création d’un plus grand nombre d’emplois de meilleure qualité. Et cela, Mesdames et Messieurs, est en grande partie à mettre à votre actif.

La croissance axée sur le commerce est une stratégie de croissance viable uniquement grâce à l’ouverture de l’économie mondiale. L’ouverture de l’économie mondiale émane, à son tour, des décisions que vos gouvernements prennent à l'échelle nationale et qui sont ancrées ici, sur le système de l’OMC.

En garantissant la prévisibilité et l'ouverture des marchés, vous avez donné aux agriculteurs du Kansas jusqu’en Argentine la sécurité nécessaire pour accélérer les investissements, car ils peuvent avoir l’assurance que leur soja ne sera pas confronté à des obstacles inattendus sur les marchés étrangers. Comme on pouvait s’y attendre, l’ouverture des marchés permet aux visionnaires de la Silicon Valley jusqu’à Séoul de s’approvisionner en composants et services issus des quatre coins du globe pour transformer les idées en produits et services abordables.

Et c’est grâce à la prévisibilité et l'ouverture des marchés que les producteurs de mangues en Guinée peuvent espérer obtenir un meilleur prix pour leurs produits à Paris ou à Lagos qu’ils ne le feraient chez eux.

Le commerce a augmenté le pouvoir d’achat et élargi nos horizons. Cependant, cela ne signifie pas que la tâche est facile pour tous. Si j’achète plus de mangues issues du Sénégal à Paris, j’achète peut-être moins de pommes françaises.

Le commerce a rendu nos pays plus prospères. Mais, en de trop nombreux endroits, les avantages conjoints du commerce et de la technologie ont été biaisés en faveur des citoyens les plus riches et les mieux éduqués, faisant naître le scepticisme actuel à l’égard du commerce. Un grand nombre de personnes s'estiment être laissées pour compte par rapport à la répartition des avantages de l’économie moderne et pointent facilement du doigt le commerce comme la cause.

Notre véritable défi consiste à rendre le commerce profitable aux 99 % du bas de la pyramide. Permettre aux majorités de ressentir que les avantages et les opportunités du commerce dépassent de loin les risques et la vulnérabilité qui l’accompagnent.

Il s’agit d’un défi auquel doivent s'atteler tous les pays. La responsabilité échoit à ceux de cette salle qui ont eu la chance de profiter de l’ouverture du commerce. Alors que la marginalisation économique au sein des pays développés reçoit enfin l’attention qu’elle mérite, un trop grand nombre de pays les moins avancés, de petites économies vulnérables, de petits États insulaires en développement et de pays en développement enclavés restent en marge de l’économie mondiale.

Pour que le commerce bénéficie aux 99 % du bas de la pyramide, il faut notamment veiller à ce que les entreprises de toutes tailles soient en mesure de se connecter aux chaînes de valeur régionales et internationales. La capacité des micros, petites et moyennes entreprises à prospérer dans le commerce international concourt grandement à rendre la croissance inclusive.

L’Accord sur la facilitation des échanges que vous mettez en œuvre réduira les coûts commerciaux, profitant grandement aux MPME. Et Global Trade Helpdesk lancé par l’ITC, l’OMC et la CNUCED en ligne aujourd’hui, sera un outil précieux pour les entreprises en quête d'ouverture de marchés en s’appuyant sur les notifications de l’OMC et les données commerciales disponibles de nombre de nos organisations. Un portail distinct en ligne sur le coton collectera l’ensemble d'informations sur le commerce et les marchés pour le secteur.

Par ailleurs, les pays peuvent rendre leurs politiques de croissance inclusive plus efficace en apprenant des bonnes pratiques des uns et des autres. C’est la raison pour laquelle plusieurs d’entre vous soutiennent une déclaration sur le commerce et l’autonomisation économique des femmes. Une seule entreprise exportatrice sur cinq est dirigée par une femme. Nous pouvons certainement faire mieux. Et si nous le faisons, la croissance s'amplifiera pour le bien de tous.

La deuxième partie de la réponse n’a vraiment pas grand-chose à voir avec les ministères du commerce. Il s’agit davantage de politiques sociales et éducatives nationales visant à donner aux personnes les moyens d’acquérir de nouvelles compétences et de s’épanouir dans un contexte de changement économique.

La coopération internationale s'avère utile sur les deux fronts. Dans un monde interdépendant où les problématiques mondiales nécessitent des solutions mondiales, nous ne saurions nous replier sur nous-mêmes.

En somme, nous devons agir du côté de l’offre pour permettre aux entreprises de toutes tailles de commercer. En cas de besoin de fixer les règles, nous devrions collaborer. Apprendre les uns des autres. Par-dessus tout, nous devons coopérer. Abandonner la coopération nous appauvrirait tous davantage. Nous devons défendre le multilatéralisme. Nous devons faire en sorte que le commerce redevienne florissant.

Je vous remercie pour votre attention.