Discours

Autonomisation économique des femmes

22 janvier 2018
ITC Nouvelles
Discours prononcé par Arancha González, Directrice exécutive de l’ITC à la Conférence BPW Asie-Pacifique
10 avril 2016 - Auckland

Tihe mauri ora!

E ngā mana, e ngā reo, e rau rangatira mā

Tēnā koutou, tēnā koutou, tēnā koutou katoa

Je suis ravie d’être ici aujourd’hui. C'était comme aller à l’autre bout du monde pour moi de voyager jusqu'ici, mais il le fallait parce que le travail des femmes d’affaires et des femmes cadres n’est pas seulement important mais également primordial. Vous montrez que l’autonomisation économique des femmes n’est pas une construction théorique, qu'il ne s’agit pas seulement d’une idée mais d'une réalité et nécessité qui nous permettra de parvenir à une croissance mondiale inclusive et durable.

L’autonomisation économique des femmes est importante pour nous tous. Il ne s’agit pas d’une question qui concerne seulement les femmes. Il s’agit d’une question humaine qui mérite l’attention de tous les décideurs politiques, chefs d’entreprise et représentants de la société civile dans chacune de nos sociétés.

Au Centre du commerce international, l’agence de développement des Nations Unies et de l’Organisation mondiale du commerce responsable des petites et moyennes entreprises, je constate à quel point l’autonomisation des femmes et des filles est importante sur le terrain.

Je le constate à travers nos activités en Mongolie, où nous travaillons avec un certain nombre de femmes mongoles exportatrices de cachemire, de laine et de poils de yak qui ont vendu jusqu’à $50 000 de marchandises. L’ITC a travaillé avec ces femmes dans le but d’améliorer la qualité des produits et les connecter au marché.

Je constate que cette démarche fonctionne pour les producteurs de soie au Cambodge, où les entreprises appartenant à des femmes et les tisserandes dans les zones rurales ont élaboré des plans d’affaires, augmenté leur exposition aux marchés, préparé de nouveaux produits et vu leur revenu augmenter de 30 %.

Je le constate dans notre travail sur la mode éthique à Nairobi, où des centaines de femmes perçoivent pour la première fois un revenu. Tout ceci a un impact transformationnel sur les sociétés. Des investissements accrus dans l’éducation et la santé à la réduction des cas de violence contre les femmes, nous constatons que l’autonomisation économique des femmes a un impact indirect sur la société.

En Papouasie-Nouvelle-Guinée, dans notre travail avec les planteurs de café, nous constatons que certaines femmes reçoivent pour la première fois des licences d’exportation de leur café.

Derrière ces narratifs se trouvent des actrices : notamment Marey en Papouasie-Nouvelle-Guinée ; Awino au Kenya ; Chanda au Cambodge ; Badamkhand en Mongolie ; Farhana au Bangladesh. Et Mafi en Éthiopie. Et derrière elles, des centaines et parfois des milliers de femmes. Sans oublier leur impact sur les générations futures en tant que vecteurs de changement.

Cette semaine, alors que nous discuterons de l’autonomisation économique des femmes, souvenons-nous de ces noms et du fait que derrière chaque politique, chaque décision que nous prenons peut influencer une femme avec un nom et une histoire.

BPW International le comprend. Elle a une remarquable tradition de défense des droits des femmes. Il y a quelques semaines à peine, j’étais aux Nations Unies à New York avec des membres de votre direction. J’ai été frappée à la fois par leur plaidoyer et par le rôle historique de BPW dans la mise en place de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies. Depuis 1947, BPW International se sert de son statut consultatif auprès des Nations Unies pour défendre les intérêts des femmes dans les affaires et les professions libérales.

Pour le Centre du commerce international, BPW International a été un partenaire important dans la promotion de l’autonomisation économique des femmes. En 2011, par exemple, la section mongole de BPW a conduit un groupe de femmes entrepreneurs à Chongqing, en Chine, pour la toute première édition de ce qui est aujourd’hui l’un de nos événements annuels phares, le Forum de développement des affaires pour les femmes entrepreneurs.

Les contacts qu’elles y ont noués ont débouché sur un projet visant à permettre aux fabricants de cachemire mongols de développer leurs compétences, de créer de nouveaux produits et de vendre sur des marchés étrangers lucratifs. L’une des femmes de cette délégation de BPW était Badamkhand Bataa, qui dirige Khatan Suljee, une entreprise mongole de taille moyenne spécialisée dans le cachemire, la laine et le cuir. Les contacts et la formation ont permis à son entreprise de réaliser des exportations vers de nouveaux marchés.

Cela a, à son tour, rapporté des dividendes à son personnel, dont 95 % sont des femmes. En 2013, l’entreprise a construit une garderie pour les enfants des employés et offert une formation professionnelle, des prêts au logement, voire un salon de beauté et de santé. Et comme on dit : « Le reste, c’est SON histoire ! »

Nous espérons tirer parti de cette tradition de partenariats avec les sections locales de BPW en Papouasie-Nouvelle-Guinée, où nous œuvrons pour accroître les ventes à l’exportation et les revenus des producteurs de bilum.

Une autre initiative au sujet de laquelle l’ITC et BPW collaborent étroitement est les Principes d’autonomisation des femmes. Une initiative des Nations Unies lancée en 2010 qui offre au secteur privé des conseils sur la façon d’autonomiser les femmes sur le lieu de travail, sur le marché et dans la communauté. En réunissant nos avantages comparatifs respectifs : l’expertise de l’ITC en matière de commerce et le réseau BPW des femmes entrepreneurs, pour permettre aux signataires des principes à tenir leurs engagements de mettre en œuvre le développement des entreprises, la chaîne d’approvisionnement et les pratiques de commercialisation qui autonomisent les femmes.

L’autonomisation économique des femmes est à la fois un objectif explicite du nouveau programme de développement mondial des Nations Unies et un moyen essentiel d’atteindre ses objectifs généraux en ce qui concerne l’éradication de la pauvreté, ainsi que la croissance équitable et durable. Au sein de l’ITC, l’autonomisation économique des femmes demeure au cœur de notre travail. Nous pensons que des progrès sociaux et économiques durables ne sont possibles que si les femmes sont économiquement autonomes et socialement respectées. Dans le cadre de notre travail visant à connecter les entreprises dirigées par des femmes aux marchés internationaux, il nous est constamment rappelé que l’autonomisation des femmes et le commerce se renforcent mutuellement. Le commerce facilite l'autonomisation des femmes, et leur permet de contribuer fortement à l’économie et à la société.

Un nombre croissant d’éléments indiquent que l’égalité économique peut être bénéfique pour les femmes à tous les niveaux, notamment au niveau des ménages, des entreprises, aux niveaux national et mondial. Les femmes exerçant une activité rémunérée dépensent beaucoup plus que les hommes en matière de santé et d’éducation de leur famille. Les entreprises dont les cadres dirigeants sont plus diversifiés sur le plan de la répartition hommes-femmes ont tendance à produire des rendements supérieurs en termes de rentabilité et d’évaluation du marché. Les pays qui offrent de meilleures perspectives économiques aux femmes obtiennent généralement des résultats supérieurs en termes de compétitivité et de revenu national. Enfin, le McKinsey Global Institute a récemment estimé que si les femmes participaient à l’économie au même titre que les hommes, cela ajouterait environ $28 milliards au PIB mondial d’ici 2025, soit une augmentation de plus de 25 % par rapport aux tendances actuelles.

Malgré ces gains potentiels, près d’un milliard de femmes dans le monde entier soit n’ont pas l’occasion de devenir actrices économiques à part entière, soit manquent de compétences ou de crédit pour le devenir. Ces femmes ont été appelées le « troisième milliard » qui pourrait suivre la Chine et l’Inde dans l’économie mondiale, transformer leur vie et améliorer les perspectives économiques pour tous.

Le chemin à parcourir reste long. Les recherches de l’ITC montrent que les femmes, bien qu’elles représentent 40 % de la population active, ne possèdent qu’une entreprise exportatrice sur cinq. Des études indiquent que les besoins de financement non satisfaits des PME appartenant à des femmes dans les marchés émergents se situent entre 260 et $320 milliards par an. Les femmes dans les pays en développement ont 20 pour cent moins de chances que les hommes d’avoir un compte bancaire. Les femmes entrepreneurs ne disposent pas souvent de réseaux de soutien et d’accès à l’information sur les possibilités d’exportation.

L’ITC s’efforce de changer cette situation. L’an dernier, nous avons lancé l’initiative SheTrades pour fournir un cadre de collaboration aux partenaires afin d’accroître et d’accélérer le rythme auquel les femmes entrepreneurs sont en mesure de participer pleinement à l’économie mondiale et de se servir du commerce comme levier de résilience et de transformation économique.

L’égalité économique des femmes exige un écosystème complexe de soutien, des lois non discriminatoires à l’égalité d’accès au capital et aux opportunités commerciales. C’est la raison pour laquelle, en septembre dernier, nous avons lancé un appel à l’action de grande envergure en définissant un cadre pour que les entreprises, les gouvernements et d’autres organisations prennent des engagements spécifiques et mesurables qui contribuent à cet objectif de connecter un million de femmes entrepreneurs au marché d’ici 2020.

L’appel à l’action repose sur huit piliers que nous devons aborder afin de débloquer les marchés pour les femmes et de rendre la croissance plus inclusive.

1. Collecter, analyser et diffuser des données sur la participation économique des femmes.
2. Créer des politiques et des accords commerciaux qui accroissent la participation des femmes au commerce.
3. Donner aux entreprises appartenant à des femmes les moyens de participer aux marchés publiques dont les dépenses sont de l'ordre de $10 000 milliards par an. Leur part actuelle est estimée à seulement 1 à 5 %.
4. Créer des programmes de marchés d'entreprise qui intègrent la diversité et l’inclusion dans les chaînes de valeur. 5. Mettre en place des mécanismes pour certifier la propriété et l’éligibilité des entreprises appartenant à des femmes.
6. Remédier aux contraintes liées à l’offre, qui affectent particulièrement les entreprises appartenant à des femmes.
7. Combler l’écart entre les hommes et les femmes en matière d’accès aux services financiers.
8. Veiller à ce que les réformes législatives et administratives garantissent aux femmes le droit à la propriété et au contrôle des ressources.

BPW International a été l’un des premiers partisans de l’appel à l’action. Lors du lancement de l’initiative à Sao Paulo, BPW s’est engagé à créer une base de données mondiale des femmes entrepreneurs, à accélérer l’intégration des femmes au sein des marchés internationaux et à plaider en faveur de l'augmentation du nombre de femmes dans les conseils d’administration et de meilleures stratégies de marchés dans les secteurs publics et privés. L’ITC encourage vos organisations à suivre l’exemple de BPW International, à s’inscrire et à diffuser l’Appel à l’action dans vos réseaux respectifs. Qu’il s’agisse de marchés dans les secteurs publics ou privés, des crédits bancaires ou de l’analyse des données, nous avons tous un rôle à jouer pour la réduction des obstacles auxquels se heurtent les entreprises appartenant à des femmes dans l’économie mondiale.

La technologie peut concourir à réduire ces obstacles d’une manière qui était tout simplement impossible il y a quelques années à peine. Un exemple en est notre nouvelle application Web et mobile, dénommée SheTrades, qui offre aux femmes entrepreneurs du monde entier une plate-forme unique pour se connecter aux marchés. Lancée en décembre dernier en partenariat avec Google, la société de télécommunications brésilienne CI&T et GreenBell Communications, une petite société technologique kényane appartenant à des femmes, l’application permet aux entreprises appartenant à des femmes de présenter leurs biens et services, tandis que les acheteurs potentiels peuvent personnaliser les filtres pour identifier les fournisseurs appropriés.

En résumé, l’application est un outil qui permet aux femmes entrepreneurs de partager des informations, d’accroître leur visibilité, d’étendre leurs réseaux, de tisser des liens et de s’internationaliser. Consultez l’application, soit sur shetrades.com, soit en la téléchargeant depuis la boutique Google Play Store sur votre smartphone ou votre tablette. J’exhorte particulièrement ceux d’entre vous qui dirigent ou représentent des entreprises à se joindre maintenant au mouvement.

Un autre exemple de réduction des obstacles technologiques sur les marchés internationaux est le programme d’apprentissage en ligne de l’ITC, qui offre un solide portefeuille de cours interactifs en ligne pour permettre aux femmes d’améliorer leurs connaissances de manière rapide et flexible. Les cours de notre Académie de commerce pour les PME traitent de certains défis que nous avons évoqués : l’accès au financement, l’accès aux marchés publics, l’accès aux informations sur la gestion de la chaîne d’approvisionnement ou sur les contrats transfrontaliers, et bien plus encore. Ici aussi, je vous invite à explorer et à faire connaître ces cours utiles.

Étant donné que la réflexion et l’établissement de liens avec le marché prennent parfois plus de temps que la technologie, cinq ans après Chongqing, le Forum de développement des affaires pour les femmes entrepreneurs est désormais fermement inscrit au calendrier de l’ITC. Après s’être imposé comme le premier événement mondial pour les femmes entrepreneurs et les entreprises engagées dans des chaînes d’approvisionnement inclusives, l’édition de cette année aura lieu à Istanbul du 1er au 2 septembre, en partenariat avec KAGIDER, l’Association des femmes entrepreneurs de Turquie.

Si vous êtes une femme entrepreneur dans les secteurs du textile et de l’habillement, du tourisme ou des services informatiques qui sont les secteurs prioritaires de cette année, vous ne trouverez pas de meilleur endroit pour apprendre, établir des liens avec de nouveaux partenaires et faire des affaires. Si vous êtes une entreprise engagée dans une chaîne d’approvisionnement non sexiste, vous êtes également la bienvenue. Visitez notre site Web pour en savoir plus sur le processus d’inscription.

Pour terminer, permettez-moi de réitérer l’appui sans réserve de I’ITC au travail de BPW dans la promotion de l’entrepreneuriat et l’autonomisation économique des femmes. Nous nous engageons à mettre nos outils, nos réseaux et nos projets au service de nos objectifs communs. Nous nous réjouissons à l’idée de travailler avec les sections BPW de la région du Pacifique et au-delà.

Je vous remercie.