Discours

Allocution devant le Conseil pour le commerce et le développement économique (COTED) de la CARICOM

22 janvier 2018
ITC Nouvelles
Discours prononcé par Arancha González, Directrice exécutive de l’ITC au Conseil pour le commerce et le développement économique (COTED) de la CARICOM, Georgetown, Guyane

M. Alva Baptiste, ministre des Affaires étrangères, du Commerce international et de l’Aviation civile de Sainte-Lucie, et président de la 42e réunion du COTED
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Excellence monsieur l’ambassadeur Irwin LaRocque, Secrétaire général de la CARICOM
Dr. Manorma Soeknandan, Secrétaire général adjoint.
M. Joseph Cox,
Secrétaire général adjoint pour le Commerce et l’Intégration économique,
Excellence monsieur l’ambassadeur Gail Mathurin, Directeur général du Bureau des négociations commerciales
Mesdames et Messieurs,

C'est ma première visite en Guyane et je m’exprime également pour la première fois devant le Conseil pour le commerce et le développement économique (COTED) de la CARICOM. Je vous remercie de l’occasion qui m’est ainsi offerte de m’entretenir et de partager avec vous les réalisations du Centre du Commerce international, et de renforcer davantage le partenariat entre l’ITC et la CARICOM et ses États membres.

Cette démarche s’inscrit également dans le cadre de nos actions concertées en faveur des petites économies vulnérables (PEV) et vise à démontrer que l’ITC est disposé à les soutenir. En début de cette année, j’ai eu l'occasion de visiter Sainte-Lucie et la Barbade et, la semaine dernière, j’étais aux îles Fidji où j’ai pu moi-même constater la vulnérabilité des PEV aux changements climatiques.

Vos échanges de cette semaine sont étroitement liés à cette question relative à la minimisation des vulnérabilités, en particulier économiques. Et le Marché et l’économie uniques des Caraïbes (MEUC) est un moyen extrêmement fiable d’y parvenir.

Pour les petites économies vulnérables de la région, l’intégration n’est pas une simple option politique : c’est un guide de survie de l’économie.

L’élimination des obstacles au commerce, à l’investissement et à la main-d’œuvre dans les Caraïbes permet de réaliser des économies d’échelle qui ne sont pas possibles au niveau des marchés nationaux.

Une véritable intégration est essentielle pour l’atteinte des objectifs de la région : accroître la compétitivité internationale, diversifier l’économie et améliorer les relations commerciales avec l’extérieur. Elle pourra permettre de réduire les coûts fixes pour les micros-, petites et moyennes entreprises (MPME) de la région. Elle pourra favoriser la résilience économique, environnementale et sociale.

À l’ITC, nous soutenons fermement les objectifs du COTED, tant pour le marché unique que pour appuyer la croissance des MPME. La collaboration avec les institutions locales visant à connecter les micros-, les petites et moyennes entreprises aux marchés internationaux est au centre du mandat de l’ITC.

Le commerce est important en ce sens que les entreprises qui importent ou exportent, ou qui les approvisionnent, tendent à être plus productives, à croître plus rapidement et à générer des emplois meilleurs et mieux rémunérés.

Les MPME sont également importantes, car elles représentent environ 95 % des entreprises et créent 60 à 70 % des emplois. Si elles peuvent tirer parti des revenus du commerce, les bénéfices se répartissent plus équitablement dans la société. D’après les informations que j’ai reçues, vous envisagez actuellement une politique régionale des MPME. C'est une démarche opportune.

Permettez-moi de suggérer quatre domaines que vous pourriez examiner dans ce débat. En 2015, l’ITC a lancé son premier rapport phare sur la compétitivité des PME. Nos recherches ont démontré que les entreprises capables de se connecter aux chaînes de valeur internationales enregistrent une croissance particulièrement élevée de la productivité, des salaires et des emplois.

Mais pour faire partie de ces chaînes de valeur, les entreprises doivent produire des biens et des services de qualité, de manière compétitive. Elles doivent répondre aux normes et réglementations techniques souvent exigeantes. Elles doivent également être en mesure d’exporter et d’importer ces biens rapidement et de façon prévisible. Dans la toute première édition, le rapport a présenté des profils nationaux dédiés de la Jamaïque et de Trinité-et-Tobago. À la version de 2016, nous avons également ajouté la Barbade. Considérez ce rapport comme un outil et une contribution à vos discussions sur les politiques.

Le présent rapport intitulé « Connecter, rivaliser et changer pour une croissance inclusive » apporte de nouvelles analyses et des preuves empiriques sur les contraintes auxquelles de nombreuses PME sont confrontées. Il nous permet de comprendre quelles sont les contraintes les plus pertinentes dans un contexte donné et révèle aux décideurs politiques les réformes les plus rentables en termes de création de cycles vertueux de productivité et de compétitivité commerciale des MPME. Éliminez ces obstacles afin de donner à vos entreprises une longueur d’avance.

Les normes constituent le premier obstacle. Il est essentiel de mieux faire connaître aux PME les normes tant publiques que privées et d’accroître leur capacité à les adopter et à s’y conformer.

La conformité est une caractéristique de la compétitivité au 21e siècle, mais de nombreuses PME éprouvent souvent des difficultés à se conformer aux normes en raison d’un manque d’informations, d’exigences techniques inutilement complexes, de procédures de conformité coûteuses et de la qualité inadéquate de l’infrastructure nationale.

L’ITC fournit une base de données de plus de 200 normes privées à partir de laquelle les entreprises peuvent avoir accès à des informations sur ces normes et codes de conduite. Cette « Standards Map » (carte des normes) fait partie d’une série de biens et d’outils publics de l’ITC disponibles gratuitement, qui peuvent permettre aux PME d'accéder aux informations commerciales dont elles ont besoin pour prendre des décisions commerciales compétitives.

Le deuxième obstacle c’est les mesures non tarifaires.

Pour la plupart, les tarifs douaniers constituent les obstacles au commerce d’hier. Ce sont les obstacles non tarifaires qui devraient désormais devenir une priorité pour votre programme commercial et représenter des contraintes importantes à prendre en compte si vous souhaitez que vos PME puissent gagner de nouveaux marchés. Il existe de nombreuses mesures non tarifaires bien fondées qui s’appliquent à la santé, aux installations et à la sécurité environnementale.

La clé est la transparence. La transparence permet aux PME de faire face à ces mesures non tarifaires légitimes et transparentes afin d’instituer un échange sur ces mesures qui deviennent des obstacles abusifs aux exportations et aux importations. Le travail de l’ITC dans le domaine des mesures non tarifaires vise à fournir une évaluation objective de ces obstacles au commerce du point de vue du secteur privé.

Qu’il s’agisse de formalités douanières compliquées ou de problèmes liés à l’obtention des certifications techniques et de sécurité internationales, les entreprises connectées aux chaînes de valeur internationales sont confrontées chaque jour à tout un ensemble de mesures non tarifaires.

Dans les Caraïbes et ailleurs, l’ITC a sondé les MPME pour comprendre les défis auxquels elles sont confrontées, et travaille avec les gouvernements pour mettre en place des processus politiques qui répondent aux besoins quotidiens des entreprises.

Un message fort à faire passer est que les problèmes liés au commerce trouvent généralement leur origine au niveau national, et non à la frontière d’un marché potentiel d’exportation. Par exemple, nos enquêtes en Jamaïque révèlent que les petites entreprises font face à des défis particuliers en ce qui concerne les délais de dédouanement, l’exploitation sous licence de techniques étrangères et l’accès au financement. Les petites entreprises de Trinité-et-Tobago ont du mal à obtenir une certification de qualité, à utiliser des sites Web et à accéder aux technologies étrangères.

Comprendre les contraintes auxquelles les PME sont confrontées sur les marchés au niveau national, régional et international est la première étape de l’élaboration d’une politique réaliste qui élimine ces obstacles au commerce.

Le troisième obstacle est la facilitation des échanges. Les coûts liés au transport des marchandises à destination et en provenance du marché sont des facteurs majeurs de la compétitivité des entreprises, en particulier pour les MPME. C’est la raison pour laquelle l’ITC s’efforce de soutenir les gouvernements pour la mise en œuvre de l’Accord sur la facilitation des échanges de l’OMC.

J’aimerais saluer les Caraïbes pour leur leadership en matière de facilitation des échanges. L’accord de l’OMC a déjà été ratifié par Trinité-et-Tobago, Belize, la Guyana, la Grenade, Sainte-Lucie et la Jamaïque. J’exhorte les autres gouvernements ici présents à faire de même, afin que cet accord puisse entrer rapidement en vigueur. Et, surtout, je vous invite instamment à mettre en œuvre l’Accord, afin que les MPME puissent bénéficier des avantages de procédures douanières simplifiées et de la réduction des coûts frontaliers et portuaires. L’ITC peut travailler avec vous pour développer des projets susceptibles d’être financés dans ce domaine.

Le quatrième obstacle est le commerce en ligne. Les échanges de biens et de services à travers les réseaux électroniques ont créé d’énormes opportunités commerciales. En 2013, le commerce mondial en ligne entreprise-à-entreprise était estimé à environ $15 500 milliards. Toutefois, les entreprises et surtout les PME des pays en développement ne sont pas en mesure de tirer pleinement parti de cette tendance.

Le potentiel pour les PME des Caraïbes d’utiliser la connexion Internet pour accéder à des marchés régionaux et internationaux plus vastes est énorme. Mais les PME ne sont souvent pas en mesure d’effectuer des transactions commerciales par le biais du commerce en ligne, car elles ont une connaissance limitée des opportunités, de l’accès aux solutions de paiement et de logistique, et subissent les exigences légales et fiscales présentes sur les marchés cibles.

Le travail de l’ITC dans ce domaine, en aidant les PME à vendre légalement leurs biens et services via les canaux numériques et en mettant en place des mécanismes et des solutions techniques pour envoyer et recevoir des paiements internationaux de manière transparente et rentable, serait un outil important dont les PME de la région pourraient bénéficier.

Le commerce des services est fortement sollicité dans cette perspective. Les services jouent un rôle de plus en plus important dans la production de biens et, avec l’accent mis par la région sur le tourisme et ses populations instruites et qualifiées, cela représente une énorme opportunité.

Les services tels que l’externalisation des processus commerciaux offrent d’énormes possibilités de stimuler la croissance et la création d’emplois. Pour un développeur d’applications résidant à Dominique ou à Sainte-Lucie, vivre sur une île importe peu, car ce qui compte c’est la créativité et l’obtention d’une bonne connexion Internet.

Faciliter le commerce intrarégional des services à travers le marché unique des Caraïbes permettrait à la région de s’intégrer dans les chaînes de valeur internationales. La CARICOM l’a d’ailleurs reconnu avec une stratégie de développement régional et un plan d’action pour les « industries de services ». L’ITC est prêt à soutenir à la fois ce plan d’action pour les services et le travail plus étendu de la COTED pour l’intégration régionale.

Nous ne devons pas non plus oublier l’agriculture. Il y a également au programme de ma visite à Georgetown, le lancement d’un projet de la chaîne de valeur des noix de coco sur lequel l’ITC, en collaboration avec l’Institut de recherche et de développement agricole des Caraïbes (CARDI), travaille avec bon nombre de vos pays.

Ce projet est symbolique à bien des égards : il exploite un produit agricole traditionnel que plusieurs ont rejeté et trouve des moyens de revitaliser l’industrie en créant de la valeur ajoutée et des liens avec les marchés. L’agriculture dans les Caraïbes ne doit pas être reléguée aux oubliettes de l’histoire. Le développement de l’agroalimentaire et la connexion des industries agricoles à l’industrie du tourisme; ainsi que la création des liens pertinents en amont et en aval peuvent constituer une plate-forme de croissance économique viable et innovante pour la région.

Au sein de l’ITC, nous disposons d’un modèle de développement de chaîne de valeur qui fonctionne. Notre approche peut se résumer ainsi qu’il suit : « des agriculteurs aux marchés, des marchés aux agriculteurs ».
Nous déterminons et abordons les problèmes du côté de la demande, en cartographiant les opportunités du marché, ainsi que du côté de l’offre, des défis de production et de transformation aux questions commerciales telles que les normes de santé et de sécurité.

Je crois qu’il s’agit là d’un modèle qui décrit la façon dont l’ITC peut travailler dans les Caraïbes, en prenant les produits agricoles de la région et en les transformant en produits commercialisables et à la demande qui sont liés à l’industrie du tourisme, à la sécurité alimentaire et à la création d’emplois.

Des approches similaires pourraient être appliquées à d’autres cultures essentielles dans les Caraïbes, notamment le cacao à Trinité-et-Tobago, l’ananas noir à Antigua-et-Barbuda, le corossol à la Grenade, l'amarante à Saint-Vincent-et-les-Grenadines, les sauces au poivre à la Barbade et les épices à la Grenade. Je vous invite tous à assister au cocktail de lancement de ce soir, où vous constaterez par vous-même à quel point l’industrie de la noix de coco peut être viable et variée.

Avant de conclure, je voudrais dire un mot sur les négociations commerciales.

Il demeure important de participer aux discussions commerciales multilatérales à l’OMC. La Conférence ministérielle tenue à Nairobi a confirmé avec succès que le système commercial multilatéral pouvait être efficace.

Vous devez continuer à investir à la fois dans le système commercial multilatéral et par votre présence à Genève. Les Caraïbes doivent renforcer leur engagement, en particulier à un moment où une opportunité se présente afin d’aborder des thématiques importantes pour vous, comme dans les négociations relatives aux subventions à la pêche. C’est l’occasion d’avoir une discussion plus approfondie sur les problématiques commerciales importantes d’aujourd’hui telles que l’économie numérique, le commerce et le changement climatique, les mesures non tarifaires et les PME.

L’ITC travaille avec de nombreux pays en développement, à leur demande, pour élever la barre des connaissances dans ces domaines et je puis vous assurer de l’engagement de l’ITC à faire de même avec les Caraïbes.

En tant que petites économies, vous êtes en marge de nombreuses discussions plurilatérales au sein et en dehors de l’OMC. Vous pouvez ne pas faire partie du Partenariat transpacifique (TPP), par exemple, mais cela aura des répercussions sur votre politique commerciale régionale. Vous ne participez peut-être pas aux discussions relatives à l’Accord sur le commerce des services (ACS), mais vous devriez le faire. L’opportunité de coopération se présente et les Caraïbes qui ont beaucoup à offrir et à bénéficier des services ont un espace à occuper.

Je vous invite instamment à être plus proactifs et engagés dans ces plates-formes et à vous engager à renforcer le système commercial multilatéral à l’OMC, qui, dans une panoplie d’accords plurilatéraux et régionaux, vous donnera la possibilité de participer au processus décisionnel.

Je vous remercie de m’avoir donné cette occasion et j’ai hâte de poursuivre les discussions avec vous sur ces questions.

Je vous remercie.