Avis d'experts

Une nouvelle promesse pour le commerce mondial : relever les défis du XXIe siècle

24 juin 2024
Rebeca Grynspan, Secrétaire générale, Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED)

Il y a soixante ans, deux organisations sont nées d'une vision commune : créer un paysage commercial mondial fondé sur l'inclusion, l'équité et la prospérité partagée. Cette année, le Centre du commerce international (ITC), le Groupe des 77 et la Chine, ainsi que la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) célèbrent tous leur 60e anniversaire.

Le monde a radicalement changé au cours de ces six décennies. Les pays en développement, autrefois relégués à la périphérie de l'économie mondiale, sont devenus des acteurs majeurs et représentent aujourd'hui une part considérable du commerce mondial et de l'activité économique.

Les petites entreprises – qui sont au cœur du travail de l'ITC – sont de plus en plus intégrées dans les chaînes de valeur mondiales, reliant l'agriculteur du Pérou au créateur de mode en Italie, l'ingénieur en informatique en Inde à l'entrepreneur au Kenya. L'extrême pauvreté a reculé de façon spectaculaire. L'humanité n'a jamais été aussi interconnectée qu'aujourd'hui.

Toutefois, alors que nous célébrons ces réalisations, nous devons également reconnaître les revers de ces dernières années, avec une crise en cascade de chocs systémiques – de la pandémie à la crise du coût de la vie, de l'augmentation de la pauvreté et de la faim au fardeau croissant de la dette, de la prolifération des conflits humains à la fragmentation géoéconomique.

© CNUCED

L'impact du commerce sur le développement

Les six dernières décennies témoignent du fait que l'impact du commerce sur le développement n'est pas prédéterminé. Il peut être un catalyseur de l'inclusion, en renforçant les petites entreprises et les entrepreneurs, en améliorant les conditions de travail et en favorisant une croissance durable. À l'inverse, il peut aussi être un facteur d'exclusion, en perpétuant la dépendance à l'égard des produits de base, en enracinant les inégalités et les cycles volatiles d'expansion et de ralentissement, et en alimentant la dégradation de l'environnement.

C'est pourquoi il nous faut profiter de cette occasion pour faire face aux dures réalités de notre époque. La pandémie de COVID-19 a mis en évidence les vulnérabilités de notre monde interdépendant, tandis que les conflits dans la autour de la Noire et de la mer Rouge, ainsi que la sécheresse dans le canal de Panama ont perturbé des chaînes d'approvisionnement essentielles, soulignant la fragilité de nos réseaux commerciaux mondiaux. L'impératif de transition vers une économie mondiale plus propre et plus durable est plus pressant que jamais, mais de nombreux pays en développement ne disposent pas des ressources, des technologies et des capacités nécessaires pour mener à bien cette transition. Par ailleurs, les flux transfrontaliers de commerce et d'investissement vers les pays du Sud n'augmentent pas assez rapidement pour atteindre les objectifs de développement durable des Nations Unies à l'horizon 2030.

La Secrétaire générale des Nations Unies pour le commerce et le développement, Rebeca Grynspan, en visite sur le canal de Panama en mai 2024 pour constater de visu l'impact sur le trafic commercial de la sécheresse induite par le changement climatique.
© CNUCED

Le commerce comme élément de solution aux crises mondiales

Le commerce peut faire partie de la solution. Mais seulement si nous faisons en sorte qu'il en soit ainsi. Nous devons ancrer le commerce mondial dans les principes d'équité, de durabilité et de résilience. Cela signifie qu'il faut donner aux petites entreprises, en particulier celles des pays en développement, les moyens de participer pleinement au commerce mondial et d'en récolter les fruits.

Cela signifie que nous devons assurer l'accès aux technologies qui rendront possible un développement basé sur le numérique et la transition énergétique ; cela signifie qu'il nous faut développer la connectivité et les infrastructures qui permettront une plus grande efficience et une diversification de la production ; et cela signifie que nous devons créer un système commercial mondial où les pays peuvent s'insérer pour être compétitifs, en créant des emplois de qualité, en particulier pour les femmes et les jeunes.

Rebeca Grynspan, Secrétaire générale de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement
© CNUCED
© UNCTAD

La transition énergétique offre une occasion unique de le faire. Les investissements dans les énergies renouvelables et les technologies vertes peuvent générer de nouveaux emplois, favoriser la réduction des émissions et la croissance économique.

La transition énergétique peut également renforcer les capacités des pays en développement, dont beaucoup sont riches en minerais essentiels à cette transition verte. Enfin, elle peut créer de nouvelles chaînes d'approvisionnement mondiales, en appliquant au XXIe siècle les dures leçons apprises au XXe siècle.

L'ITC, qui se concentre sur les petites entreprises et le développement axé sur le commerce, est bien placé pour jouer un rôle clé dans cette transformation. En fournissant des formations, des services de conseil et un appui à l'accès aux marchés, l'ITC peut aider les petites entreprises à naviguer dans les complexités du commerce mondial et à saisir les opportunités des 60 prochaines années.

C'est la promesse de 1964, celle qui a donné naissance à la CNUCED et à l'ITC. C'est une promesse qui reste aussi pertinente et urgente aujourd'hui qu'elle l'était à l'époque. Saisissons ce moment pour réaffirmer cette promesse et construire un avenir meilleur pour tous grâce au commerce.

Rebeca Grynspan s'adressant à Pamela Coke-Hamilton, Directrice exécutive de l'ITC, lors de la réunion du Groupe consultatif commun de l'ITC en 2022.