Discours

Mettre le commerce au service de la croissance inclusive et des emplois

15 décembre 2017
ITC Nouvelles
Chambre de commerce et d’industrie de Maurice
Port Louis, 1 avril 2017

Mme ARANCHA GONZALEZ
Directrice exécutive du Centre du commerce international (ITC)

Monsieur le Premier-ministre,
Monsieur le Vice-Premier Ministre,
Messieurs les ministres,
Messieurs les leaders d'opposition
Monsieur le Secrétaire Général de la Chambre de commerce et d’industrie de Maurice,
Mesdames et Messieurs,

C’est un grand honneur pour moi d’être ici aujourd’hui devant la Chambre de commerce et d’industrie de Maurice. Depuis plus d’un siècle et demi, la Chambre est le porte-parole du milieu des affaires mauricien. Le Centre du commerce international peut se réjouir d'avoir pendant presque une trentaine d'années, collaboré avec la Chambre du commerce et d'industrie (MCCI) pour appuyer les entreprises mauriciennes pour leur accès aux marchés internationaux.

Maurice est le lieu par excellence pour aborder la participation du commerce dans la croissance inclusive et les emplois. Parce que depuis l’indépendance en 1968, c’est précisément ce que Maurice a fait.

La forte croissance de Maurice a été largement partagée : les inégalités ont considérablement baissé depuis les années 1960. Le pays représente un exemple digne d’être copié. Il est tout à fait légitime d’évoquer le passé avec fierté.

La réussite de Maurice était loin de ce qui avait été programmé. Nombre d’entre vous se rappelleront sûrement de l’évaluation des perspectives de ce pays en 1961 par le lauréat du prix Nobel d’économie James Meade. La croissance rapide de la population, la dépendance d'une culture unique vulnérable aux fluctuations et aux variations de prix, la faible expertise dans la production, et les éventuelles tensions ethniques ont conduit Meade à conclure :« les perspectives de développement pacifique sont moins réjouissantes. »

À notre connaissance, Maurice a déjoué ses prédictions avec subtilité, en enregistrant une forte croissance et une réduction de la pauvreté. Dans les années 1980, une décennie perdue autre part en Afrique subsaharienne, la création des emplois a réduit les taux de chômage à Maurice, en transformant les peurs de la surpopulation de Meade en dividende démographique. Dans les années 1990, la hausse de la productivité est devenue un moteur de croissance.

Maurice est un exemple classique de la façon de traduire l’accès préférentiel aux marchés en transformation structurelle et en emplois. Et n’oublions pas que les Mauriciens l’ont réalisé en dépit de l’éloignement géographique des principaux marchés du moment.

Voici quelques chiffres illustrant l’ampleur de la révolution économique de Maurice entre 1976 et 2010. L’agriculture, le principal secteur économique ne représente plus que 6 % de l'économie, en baisse par rapport au niveau de jadis qui était 23 %. La croissance dans le secteur manufacturier a revigoré l’économie du secteur secondaire de 23 à 28 %. Enfin, le secteur tertiaire, y compris le tourisme et les services financiers, est passé d’un niveau légèrement supérieur de 50 % à presque 70 % du PIB de Maurice.

Cette diversité même que Meade a considérée comme une faiblesse s’est révélée un véritable atout. Le pays a mis au point des processus politiques ouverts et démocratiques. Il a fait de l’accès à l’éducation gratuite une priorité, a favorisé l’entrepreneuriat local et a encouragé les coentreprises avec les acteurs étrangers qui ont ouvert la voie au flux de capitaux, aux technologies et au savoir-faire. La mosaïque des cultures et des traditions a également a été mise à contribution pour accroitre le pouvoir d’attraction de Maurice comme destination touristique.

En bref, l’exemple de Maurice montre que l’on peut préserver l’accès au marché tout en favorisant la démocratie et en améliorant les conditions de vie des citoyens par des politiques nationales fiables. C’est une pratique courante dans d’autres pays tels que le Canada ou le Chili qui ont mis au défi les économistes qui disent qu’il ne saurait en être ainsi.

L’ancien Premier ministre et le Président Sir Anerood Jugnauth ont déclaré un jour à propos de l’expérience de Maurice :« Il n’existe aucune solution miracle. Ces résultats tiennent seulement au travail acharné, à la discipline et à la volonté. »

En priant Sir Anerood d’accepter mes excuses, je continuerai d’utiliser le terme « miracle ». Cependant les qualités qu’il a recensées, accompagnées de l’historique d’un compromis pragmatique du pays entre le gouvernement, les entreprises, et la société civile, demeureront d’une importance capitale dans les années à venir. Toutefois, la réalité est que Maurice doit désormais accomplir un nouveau miracle économique. À cet effet, les mauriciens doivent tous avoir les mêmes idéaux et les mêmes orientations en tant qu’une équipe.

Au cours de la dernière décennie, le modèle de croissance qui a étayé la réussite de l’île semble perdre de la vigueur. Au niveau international, les préférences des marchés ont été progressivement remplacées ou s’effritent. Au niveau intérieur, la productivité et la croissance des exportations ont ralenti, il en a été de même pour le taux d’investissement.

Le pays est confronté à des difficultés considérables. La montée du sentiment protectionniste dans certaines parties du monde constitue une grave menace pour toute petite économie ouverte. Le protectionnisme commercial ne protège pas les emplois. Les centres de services financiers partout à l’étranger ont été affectés par un renforcement de la réglementation de l’après-crise, et ce n’est pas terminé.

En outre, la décision du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne, et éventuellement le marché unique remet en question les futures conditions d’accès de Maurice à la plus grande destination d’exportations, même si elle a perdu en importance au cours des dernières années.

À mon sens, il est moins probable de porter l’accent sur les tarifs, étant donné leur taux déjà relativement faible. Le principal défi à relever sera celui des normes et des réglementations, ce qu’on appelle généralement des mesures non tarifaires. De nos jours, ces normes et réglementations sont élaborées par 28 États membres et pour ces 28 États membres : une norme pour 28 marchés. Quel en est l'avenir ? Quelles normes et réglementations le Royaume-Uni appliquera-t-il sur ses produits et services ? Laquelle des règles d’origine sera-t-elle applicable ? Y aura-t-il un cumul ? La réponse à ces questions est déterminante puisque les mesures non tarifaires représentent aujourd’hui les coûts commerciaux les plus importants.

Comme le préconise la stratégie nationale d’exportation que nous avons lancée hier, les entreprises mauriciennes et le gouvernement doivent chercher à consolider davantage leur position sur les marchés existants, à pénétrer de nouveaux marchés, au sein de l’UE et ailleurs, et à remonter la chaîne de valeur afin de mieux gérer les risques.

Cependant, l’accès au marché et la valeur ajoutée seule ne seraient pas suffisants pour faire face aux défis de la croissance inclusive de Maurice.

Il convient donc d’investir dans l’autonomisation des citoyens afin de tirer parti des ouvertures nouvelles offertes par les progrès technologiques et de pallier les conséquences des transformations en cours. Les politiques fiscales et sociales auront un important rôle. En particulier, il est primordial de remédier à l’inadéquation des compétences de façon innovante dans le cadre d’une stratégie globale visant à valoriser les ressources humaines de Maurice. Étant donné que l’économie du 21e siècle est une économie du savoir, Maurice se doit d’investir dans les domaines tels que la bio médecine, les technologies de l'information, et le développement de logiciels.

L’intégration dans le commerce international et les réseaux d’investissement, des petites et moyennes entreprises (PME) de Maurice dont une forte proportion de la population est constituée de jeunes et de femmes aurait pour effet une meilleure répartition des revenus de la croissance. Les investissements en faveur des femmes, dont bon nombre exercent dans le secteur informel, seraient déterminants. Le mouvement mondial de l’ITC, Shetrades, vise à connecter un million de femmes aux marchés d’ici 2020 et nous espérons compter Maurice parmi nos ambassadeurs Shetrades.

Les PME représentent le grand vivier d’emplois et d’entreprises dans tous les pays. Toutefois, si les petites entreprises en Europe sont aux deux tiers aussi productives que leurs principales concurrentes nationales, cet « écart de productivité » a tendance à se creuser davantage dans les pays en développement. La baisse de productivité des PME à son tour se traduit par des salaires moins élevés pour la majeure partie de la main d’œuvre, et partant une faible contribution à la croissance nationale.

Donner les moyens aux PME mauriciennes pour qu’elles deviennent plus productives et se connectent aux chaînes de valeur internationales leur permettrait de stimuler davantage les gains de productivité, de croître plus rapidement et de verser des salaires plus élevés. Plus important encore, les PME sont des atouts majeurs pour que les 99 % de la population profitent du commerce et de la croissance.

L’ITC et la Chambre de commerce et d’industrie de Maurice œuvrent ensemble pour donner aux PME les moyens de réaliser cet objectif.

La voix du secteur privé a été un élément essentiel dans notre soutien au ministère de l’Industrie, du commerce et de la protection des consommateurs pour l'élaboration de la Stratégie d’exportation de Maurice. Il est important que ce partenariat subsiste et que vous utilisiez cette dynamique pour créer la « Marque de Maurice ». L’ITC continuera de soutenir les secteurs, qui d’après nous détiennent désormais un potentiel d’exportation prometteur. Grâce aux Perspectives de compétitivité des PME de l’ITC, nous avons recensé les points forts mais également les points faibles des PME de Maurice.

Nous savons également que du fait de leur plus petite taille, les PME sont durement frappées par les coûts liés au commerce. C’est pourquoi, la Chambre et le gouvernement en partenariat avec le Centre du commerce international ont mis au point un « Mécanisme d’alerte sur les obstacles au commerce ». Ce mécanisme en ligne permet aux exportateurs et aux importateurs d’informer les autorités compétentes, en temps réel, lorsqu’ils se heurtent aux obstacles non tarifaires. Grâce au mécanisme d’alerte, les entreprises mauriciennes sont parvenus à régler rapidement les retards liés aux mesures telles que les licences d’importation et d’exportation dans les ports.

J’ai entamé mon propos par un regard rétrospectif sur les trente années de coopération. Je le terminerai en examinant les trente années à venir. L’emplacement de Maurice l’a éloigné du centre de gravité économique du monde. Avec cette même position géographique, il occupe un emplacement stratégique entre les marchés en expansion actuels d’Asie, et les marchés en expansion de demain d’Afrique, surtout lorsqu’on constate qu'actuellement la croissance du commerce Sud-Sud représente environ 1/3 du commerce mondial total. C’est une position privilégiée à partir de laquelle nous pouvons réaliser un second miracle économique. L’ITC est prêt à soutenir les mauriciens qui entreprendront cette mission.

Je vous remercie cordialement de votre attention.