Discours

Déclaration de la Directrice exécutive de l'ITC lors du Forum 2015 sur les entreprises et les droits de l'homme

19 novembre 2015
ITC Nouvelles
Discours prononcé par Mme Arancha González, Directrice exécutive de l'ITC, lors de la séance de clôture et de haut niveau du Forum 2015 sur les entreprises et les droits de l'homme.
Genève – 18 novembre 2015

M. le Haut-Commissaire aux droits de l'homme, S.A.S. Zeid Ra'ad Al Hussein
Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie d’avoir invité le Centre du commerce international (ITC) pour participer à cet important dialogue sur les entreprises et les droits de l'homme. Vous m'avez demandé de parler du besoin d'avoir une meilleure cohérence entre le système commercial et les droits de l'homme. En tant qu'agence conjointe de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et des Nations Unies, l'ITC est un parfait exemple de la manière dont le commerce peut servir à réduire la pauvreté dans le monde et réaliser les droits de l'homme.

Le terme « commerce » est parfois controversé lorsqu'on parle de droits de l'homme. Mais je suis ici pour vous dire qu'il n'y a pas de contradiction entre le commerce et les droits de l'homme. Les principes et valeurs qui sous-tendent le système des échanges et l'OMC sont les mêmes qui fondent les droits de l'homme : ouverture et transparence ; non-discrimination ; État de droit.

Alors, que pouvons-nous faire pour encourager une plus grande cohérence entre ces deux concepts ?

J'aimerais faire trois suggestions :

1. Mettre plus de commerce dans les droits de l'homme ;
2. Mettre plus de droits de l'homme dans le commerce ; et
3. Nous assurer que les droits de l'homme soient compris comme l'élément central du projet commercial d'une entreprise.

Mettre plus de commerce dans les droits de l'homme.

Le commerce peut faire avancer la question des droits de l'homme. Il offre aux femmes l'opportunité de s'émanciper économiquement. Il aide les populations qui vivent dans un extrême dénuement à en sortir. Il aide à relier les petites et moyennes entreprises (PME) aux marchés formels. Et puisque nous parlons de la relation entre le commerce et les droits de l'homme, rappelons que 98 % des entreprises sont des PME. Ces principes sont donc aussi les leurs. Le commerce peut également aider à créer des emplois pour les jeunes. En bref, le commerce peut nous aider à éradiquer l'extrême pauvreté. Et n'oublions pas que cette extrême pauvreté est la plus grave négation des droits de l'homme.

Mettre plus de droits de l'homme dans le commerce.

Mais nous devons aussi être clair en ce que le commerce ne peut se faire à tout prix. Qu'il ne peut s'agir de n'importe quel type d'échange. Nous ne pouvons accepter des accords commerciaux qui négligent les normes du travail ou l’environnement. Nous ne pouvons accepter des chaînes de valeur au sein desquelles existent encore des trafics humains ou de nouvelles formes d'esclavage.

En revanche, nous pouvons nous servir du commerce pour combattre la corruption, comme l'Union européenne l'a suggéré dans sa nouvelle stratégie commerciale. Nous pouvons nous servir du commerce pour préserver la faune et la flore sauvages, comme c'est le cas dans le Partenariat transpacifique conclu récemment.

En somme, il nous faut nous assurer que les accords commerciaux aient une réalité de terrain, et qu'ils soient mis en œuvre en ce sens, et l'appuient.

Les droits de l'homme au cœur des stratégies des entreprises.

En troisième lieu, les droits de l'homme doivent être au cœur des stratégies des entreprises. Ceci s'applique tout autant aux conglomérats internationaux, aux PME et aux petites boutiques familiales. Si la portée et l'ampleur des préceptes peuvent varier, dans le fond ces préceptes doivent être les mêmes. Les droits de l'homme ne doivent pas demeurer des questions éthiques qui concernent les seules parties prenantes. De plus en plus, ils deviennent une nécessité des marchés. Les consommateurs modernes sont mieux informés, et plus conscients. Ils observent. Ils ont accès aux informations. Ils sont de plus en plus attentifs aux magasins où ils achètent leurs produits et services, et à la manière dont les compagnies s'approvisionnent le long des chaînes de valeur. Les consommateurs modernes, soit la classe moyenne croissante du monde entier, sont bien moins tolérants vis-à-vis des abus en matière de droits de l'homme ou de l'inégalité des genres. Ils sont attentifs au fait que les petits exploitants des chaînes d'approvisionnement doivent recevoir un revenu suffisant, en accord avec leur contribution. C'est aussi tout ce que doivent faire les entreprises.

Mais la communauté du commerce et droits de l'homme doit aider la communauté des affaires. Les normes en matière de droits de l'homme qui s'appliquent aux entreprises prolifèrent de manière croissante. Cela représente un défi, même pour les plus grosses firmes – imaginez alors l'impact sur les plus petites. Nous devons nous assurer que ces normes soient rationnelles et applicables, et pas seulement le fait d'un vœu pieux.

Nous devons améliorer la transparence, et cela sous-entend investir dans la traçabilité des chaînes de valeur. Nous devons éliminer la peur de savoir. Il y a une expression qui dit « Ce que vous ignorez, vous ne pouvez vous en soucier. Mais dès que vous savez, vous ne pouvez plus faire autrement que de vous en soucier. »

C'est pourquoi l'ITC, le Pacte mondial des Nations Unies et l'organisation Global Standards One (GS1), ont lancé ensemble l'Initiative Blue Number (ou Initiative numéro bleu). Elle consiste en un répertoire mondial en ligne et ouvert auquel les agriculteurs et les fournisseurs peuvent souscrire pour recevoir un numéro d'identification unique. C'est un outil qui sert à promouvoir la transparence et la traçabilité, et une approche de l'approvisionnement et du développement fondée sur le droit. C'est une contribution concrète pour garantir une plus grande cohérence entre le commerce et les droits de l'homme.

Je vous remercie encore une fois pour avoir invité l'ITC à participer à ce débat essentiel.