Discours

« Autonomiser, c'est faire des affaires »

10 novembre 2015
ITC Nouvelles
Déclaration de Mme Arancha González, Directrice exécutive du Centre du commerce international, à l'événement Autonomisation économique des femmes – libérer le potentiel, à Berlin le 10 novembre 2015 – Berlin, Allemagne

Bonjour Mesdames et Messieurs,

Je suis ravie d'être avec vous cette après-midi pour parler d'un sujet qui est au cœur de l'action du Centre du commerce international (ITC) – l'autonomisation et le commerce.

Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent par l'ITC, nous avons été fondé il y a 50 ans par les Nations Unies et l'Organisation mondiale du commerce pour aider les entreprises des pays en développement à se relier aux marchés mondiaux. Pour les aider à commercer et à investir. En ligne avec notre mandat de développement, notre principale préoccupation est tournée vers les petites et moyennes entreprises (PME) dans la mesure où elles comptent pour plus de 70 % des emplois, que ce soit dans les pays en développement ou les pays développés. Les PME constituent aussi un énorme potentiel pour réaliser des gains socio-économiques, en particulier dans la mesure où les entreprises plus modestes emploient en général davantage de personnes issues des groupes vulnérables de la société, tels que les femmes, les jeunes et les pauvres. 
Le thème « Autonomisation et commerce » résonne de manière particulière chez moi, puisque je suis une fervente défenseur de la position suivante : le secteur privé, les gouvernements et les consommateurs peuvent faire le « bien » tout en faisant des affaires.

La stimulation et les profits socio-économiques peuvent et doivent aller de pair. La possibilité de se relier aux marchés mondiaux et d'y entrer en concurrence avec les autres peut aider à réaliser ces deux choses. C'est par exemple le cas de pays comme la Finlande et la Suède qui se classent fort bien selon l'Indice mondial d'écart entre les sexes, et obtiennent aussi un bon résultat dans le classement de la compétitivité mondiale, deux indicateurs mesurés par le Forum économique mondial. Le Rwanda, qui connaît une croissance rapide, figure également dans les dix premiers de l'Indice d'écart entre les sexes et se classe très haut en termes de compétitivité.

L'Organisation mondiale du travail estime à 865 millions le nombre de femmes dans le monde, parfois appelées aussi « le troisième milliard », qui pourraient contribuer de manière plus solide à la génération d'affaires et à la prospérité des économies de leur pays, si elles étaient soutenues en ce sens.  
Pendant ce temps, la croissance mondiale de ces dernières années a été plutôt paresseuse. Cela montre que l'appui et l'autonomisation des femmes, même de faible manière, constituent un levier évident et sous-utilisé qui permettrait de stimuler la compétitivité, accélérer les échanges et soutenir la croissance.

C'est en particulier le cas de pays comme l'Allemagne, qui fait face à un déclin démographique et une population active qui se réduit. L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estime que l'élimination complète de l'écart entre les sexes en termes de participation au marché du travail pourrait ajouter 11 % au PIB de l'Allemagne. L'autonomisation économique des femmes est une question d'équité, mais c'est aussi faire des affaires !

Pour nous, l'autonomisation économique des femmes signifie réduire l'extrême pauvreté. Grâce à notre Initiative de Mode éthique, nous avons aidé des milliers de femmes à s'émanciper, pour la plupart des artisans issues de communautés démunies et marginalisées au Kenya, Mali, Burkina Faso, Haïti et Palestine. Parce qu'il est possible de relier les femmes des bidonvilles ou de zone rurales défavorisées à certains des plus grands noms de l'industrie internationale de la mode. Cela veut dire fournir des formations en compétences, et renforcer leurs capacités par d’autres moyens, afin que les exigences des marchés et des consommateurs en matière de livraison, qualité et normes de travail équitable soient respectées.

Pour des acheteurs réputés comme Vivienne Westwood, United Arrows ou Stella McCartney, ce n'était pas un engagement purement social. Il s'agissait tout autant de faire des affaires que de faire quelque chose de « bien ». Des centaines de commandes ont été passées, et exécutées avec succès. Ce n'est pas de la charité. C'est un travail, tout simplement. Un travail décent qui a aidé ces femmes à passer de moins de $1 par jour à un revenu de $12 par jour. Parce qu'il s'agit de respecter des conditions équitables de travail.

La viabilité du projet commercial de l'Initiative de Mode éthique de l'ITC a été confirmé par un groupe kényan d'investisseurs responsables, puisqu’ils ont acquis des parts du pôle de Nairobi de l'Initiative, et l'ont transformé en une opération privée et prospère. Aujourd'hui, cette entreprise et son réseau de micro-producteurs – plusieurs coopératives qui représentent plus de 1 000 artisans des bidonvilles et des zones rurales du Kenya – sont en passe de devenir le premier réseau africain pleinement intégré dans la chaîne d'approvisionnement internationale de la mode.

Pour nous, autonomiser veut dire s'approvisionner auprès de femmes commerçantes, que ce soit par le biais de marchés publics ou privés. C'est l'un des moyens les plus directs de promouvoir les femmes entrepreneures tout en garantissant un résultat commercial mutuellement bénéfique, à la fois pour le vendeur et pour l'acheteur. Et c'est aussi au bénéfice de la société, car les femmes tendent à réinvestir 90 % de leurs revenus dans leur famille et leur communauté.

Toutefois, quand nous demandons aux principaux acheteurs privés quels sont les défis qui émergent lorsqu'ils s'approvisionnent auprès des femmes, leur réponse pointe un problème unique mais majeur, celui de trouver des entreprises appartenant à des femmes qui répondent à leur demande.

C'est pourquoi, au début de cette année, l'ITC s'est associé avec Google et CI&T Brazil, une grosse société brésilienne de haute technologie, pour lancer un défi technologique aux développeurs : celui de créer une plateforme numérique et son application, pour enregistrer les entreprises appartenant à des femmes et accroître leur visibilité vis-à-vis de partenaires potentiels.

La lauréate de ce défi, une petite entreprise dirigée par deux jeunes kényanes, va nous aider à lancer une application à Nairobi à l'occasion de la Conférence ministérielle de l'OMC. Car pour nous, l'autonomisation des femmes, c'est aussi penser en termes de technologie, de technologie de l'information, de numérique, et de commerce électronique.

La plupart d'entre vous faites déjà beaucoup pour l'autonomisation économique des femmes. Pour ceux d'entre vous qui cherchent à faire plus ou à identifier des moyens concrets et simples d'autonomiser les femmes cheffes d'entreprise – je vous invite à vous joindre à l'Appel à agir de l'ITC, afin d'aider à amener un million d'entreprises dirigées par des femmes sur les marchés d'ici à 2020. Cet Appel à agir fournit des idées bien arrêtées et opérationnelles dans huit domaines majeurs, de la collecte des données à l'inclusion financière, les droits de propriété ou l'aide à réduire les contraintes de l'approvisionnement. Chacun d'entre nous, chacun d'entre vous, peut s'engager, promouvoir la place des femmes dans les affaires, et aider les femmes à s'émanciper. Et, ce faisant, vous contribuez à un monde plus équitable et des économies plus solides, les principaux ingrédients pour réaliser les Objectifs mondiaux de 2030.

Je vous remercie.