Volatilité des prix des produits de base agricoles : Comment des informations et une transparence améliorées peuvent limiter les fluctuations
La nouvelle envolée des prix des denrées alimentaires en 2010 a laissé craindre une répétition de la crise alimentaire
de 2007-2008, une insécurité alimentaire grandissante et menaçante, une inflation rampante des prix des denrées alimentaires et des troubles civils. Si, par chance, les pires craintes ne se sont dans l’ensemble pas matérialisées, les prix des produits de base agricoles semblent aujourd’hui devoir être systématiquement élevés et volatiles et constituent un réel défi pour les consommateurs, les producteurs et les gouvernements. La volatilité des prix des produits agricoles et les mesures à prendre pour y remédier étaient au premier rang des priorités du G20 et ont donné lieu à l’adoption d’un plan d’action par les ministres de l’agriculture en juin de cette année. Mais pourquoi la volatilité s’est-elle accrue? Quelles en sont les conséquences et que faire pour la réduire?
Des prix internationaux plus élevés et plus volatiles
De nombreuses années durant, les prix réels des produits de base ont suivi une tendance baissière ponctuée de brefs pics haussiers et de fléchissements prolongés. Depuis 2000 la tendance ne semble plus être à la baisse mais de plus en plus à la hausse. Entre fin 2006 et le milieu de 2008 les prix ont augmenté pour atteindre leur plus haut niveau en 30 ans, ont ensuite enregistré un fléchissement marqué tout au long de 2009 du fait de la récession mondiale, mais ont retrouvé leur niveau record de 2008 fin 2010 et début 2011. Les prix devraient se maintenir au-dessus de leurs niveaux historiques et rester volatiles à moyen terme.
Nombre de facteurs ont contribué à l’augmentation des prix et à leur volatilité. La tendance baissière du passé tenait au fait que grâce aux progrès de la technique les rendements et la production augmentaient plus vite que la population, et la croissance du revenu signifiait une demande accrue. Plus récemment, les marchés se sont raffermis avec le fléchissement des investissements et de la croissance de l’offre, alors que la demande continuait de progresser rapidement, amenant les stocks à un très bas niveau. Les taux de croissance élevés des économies émergentes ont tiré vers le haut la demande de produits de base. La demande de certains produits agricoles destinés à la production de biocarburants a également augmenté, et ce de manière significative du fait des subventions et des mandats. La production de biocarburants signifie une plus grande corrélation entre les prix et les marchés des produits agricoles et les marchés de l’énergie ainsi que les cours volatiles du pétrole.
La nature même des marchés des produits de base agricoles explique en partie leur volatilité. La production est tributaire des conditions climatiques, des parasites et des maladies. L’offre et la demande de produits agricoles étant inélastiques à court terme, d’amples ajustements des prix sont nécessaires pour nettoyer les marchés, notamment lorsque les stocks sont bas. Les prix actuellement plus élevés et la volatilité accrue sont liés à ces facteurs fondamentaux – chocs météorologiques dans les pays producteurs et exportateurs clés conjugués à des stocks bas. Ces phénomènes ont néanmoins été exacerbés par la relation plus étroite entre les marchés des produits agricoles et de l’énergie ainsi que par la ‘financiarisation’ des marchés des produits de base agricoles qui a rapproché les prix des produits de base agricoles et ceux des actifs financiers. Si la spéculation n’imprime aucun mouvement au prix des produits agricoles, elle en exagère l’ampleur et la durée. Les mesures de politique commerciale adoptées par certains pays ont également aggravé la volatilité. Les restrictions à l’exportation imposées par les principaux exportateurs pour préserver l’approvisionnement des marchés nationaux et maintenir les prix intérieurs bas ont encore accentué l’augmentation des prix sur les marchés internationaux.
Pourquoi la volatilité importe-t-elle?
Les pauvres, qui consacrent souvent jusqu’à 75% de leur revenu à l’alimentation, sont ceux qui souffrent le plus. Les prix élevés des denrées alimentaires les contraignent à consommer moins et des produits de moins bonne qualité, ce qui ne fait qu’aggraver l’insécurité alimentaire et la malnutrition, et entraîne un nombre croissant de ménages en dessous du seuil de pauvreté. À cause des prix élevés de 2007-2008, quelque 80 millions de personnes supplémentaires ont rejoint les rangs des affamés. L’impact des prix élevés des denrées alimentaires et de leur volatilité est indéniablement négatif, mais quid de leur impact sur les producteurs et les exportateurs de produits agricoles? En principe, la hausse des prix devrait être pour eux une bonne nouvelle. Pour autant que les rentes découlant des prix plus élevés ne soient pas taxées par le gouvernement mais qu’elle bénéficie aux producteurs, elles devraient inciter à produire, permettre d’accroître les investissements et l’offre. Dans la pratique, ce n’est pas toujours le cas. Les prix des intrants, notamment des engrais produits à partir de pétrole, augmentent parfois plus vite que les prix à la production, ce qui n’est d’aucune utilité aux producteurs. Les contraintes liées à l’offre, telles que les problèmes de transport et de stockage ou le manque d’accès aux intrants et au crédit, peuvent empêcher les producteurs de bénéficier de l’augmentation des prix. La volatilité des prix est aussi synonyme d’incertitude et de risque accrus, ce qui décourage l’investissement. Pour toutes ces raisons, dans la plupart des PED les prix élevés de 2007-2008 n’ont eu que peu d’effet sur l’offre.
Les gouvernements doivent veiller à ne pas gaspiller les occasions données d’augmenter les recettes à l’exportation et de croître. Ils doivent créer un environnement propice à l’investissement des revenus plus élevés des producteurs et à la croissance. Pour des raisons de politique générale et d’autres contraintes (sécurité alimentaire et maîtrise de l’inflation, par exemple), ce n’est pas toujours aussi simple. Le subventionnement de certains intrants, l’investissement dans les infrastructures de production (stockage ou irrigation), la gestion des risques, la recherche et la vulgarisation ont un rôle à jouer mais ont un coût considérable. Lorsque les exportations de produits de base agricoles sont importantes, la volatilité des prix sur les marchés internationaux peut avoir un effet positif sur les recettes publiques et le reste de l’économie. De plus, nombre d’exportateurs de produits de base agricoles, surtout dans les PMA, sont des importateurs nets de denrées alimentaires, de sorte que l’augmentation des prix internationaux des produits agricoles peut en fait entraîner une détérioration de la balance des paiements, menacer les réserves en devises, alimenter l’inflation et augmenter les dépenses dans la protection des consommateurs pauvres. En cas de volatilité des prix internationaux des produits de base, la gestion micro et macro-économiques cause des problèmes aux exportateurs de produits agricoles des PED.
L’information et la transparence peuvent réduire la volatilité
L’expérience du passé indique qu’intervenir sur les marchés internationaux pour stabiliser les cours est problématique. À titre d’exemple, les stocks tampons coûtent cher lorsqu’il s’agit de défendre un prix cible et leur gestion est complexe. Les subventions aux biocarburants et les mandats de certains pays ont également été critiqués au motif qu’ils tirent les prix vers le haut, certains produits de base étant détournés pour la production de biocarburants. Des appels à l’adoption de politiques plus souples tenant compte de leur incidence sur la disponibilité et les prix ont été lancés, surtout pour le sucre, le maïs et les oléagineux.
Quant à la question de savoir si les marchés à terme devraient être réglementés afin de limiter l’ampleur de leurs fluctuations, elle est tout aussi controversée. Ces marchés jouent un rôle clé dans le processus de découverte des prix, la gestion des risques et la liquidité. Les données probantes étant insuffisantes, la prudence est de mise. Des données commerciales exhaustives sont nécessaires pour permettre aux organismes de réglementation et aux participants de contrôler la fréquence et le volume des transactions afin de comprendre ce qui détermine l’évolution des prix des produits de base.
Si la question de savoir si les marchés à terme devraient être plus strictement réglementés est loin de faire l’objet d’un consensus, on s’accorde sur le fait que davantage de transparence est nécessaire. Il en va de même pour les marchés physiques. Le manque d’informations précises sur l’offre, la demande et les stocks internationaux ne fait qu’ajouter à la volatilité. Fournir davantage d’informations sur les marchés mondiaux et accroître la transparence permettra de réduire l’incidence des flambées des prix motivées par la panique, du type de celle qui a frappé les marchés du riz en 2008. Cela devrait aussi permettre la prise de décisions plus éclairées et coordonnées pour éviter que les mesures prises par les pays n’ajoutent encore à la volatilité des prix internationaux.
L’imposition de restrictions à l’exportation par les principaux pays exportateurs est particulièrement préjudiciable et les règles qui régissent actuellement les mesures à l’exportation sont relativement faibles. Bien évidemment, l’amélioration de l’information sur les marchés et de la transparence sont au cœur du Plan d’action du G20. Si éliminer la volatilité des prix n’est pas possible, de meilleures informations et une transparence accrue grâce au Système d’information sur les marchés agricoles qu’il a été proposé de créer contribuera à régler une partie du problème.