Discours

Trois manières de soutenir une relance durable l'industrie caféière en Afrique

13 février 2014
ITC Nouvelles

Allocution de Madame Arancha Gonzalez, Directrice Exécutive du Centre du Commerce International (ITC)
Prononcé le 13 février lors de la 11ème Conférence-exposition sur les cafés fins d’Afrique, Bujumbura, Burundi

(COMPARER AU DISCOURS PRONONCÉ)

Monsieur le Président
Madame la Ministre de l'Agriculture et de l'Élevage,
Monsieur le Directeur de l'Organisation internationale du Café
Monsieur le Président de l’Association des cafés fins d’Afrique (AFCA)
Mesdames et Messieurs,

Je suis heureuse d'être parmi vous aujourd'hui. Le Centre du Commerce International se félicite de sa collaboration avec l'Association des cafés fins d’Afrique qui s'est concrétisée plus récemment par la stratégie conjointe menée sur l'ensemble du continent en faveur des femmes et des jeunes dans le secteur du café.

Permettez-moi d'adresser mes félicitations à l'AFCA pour les succès obtenus ces 11dernières années et de vous offrir notre soutien afin d'étendre votre action de l'Afrique de l'Est à l'ensemble du continent. La présence de pays d'Afrique centrale et de l'Ouest à cette conférence est la preuve qu’elle porte déjà ses fruits.

Je remercie particulièrement le Directeur Exécutif Samuel Kamau pour l’ouverture dont il a fait preuve à l’égard de cette collaboration et pour son invitation à prendre la parole devant vous ce matin.

Le thème de cette conférence, la relance durable de l'industrie caféière en Afrique, a de quoi m'inspirer. L’ITC croit fermement au potentiel du secteur caféier en Afrique en termes de croissance et de création d'emplois. Nous avons collaboré avec ce secteur au Cameroun, en République démocratique du Congo et dans les pays de la Communauté économique des États d'Afrique centrale (CEEAC) pour développer des stratégies de relance de leur production. Nous avons mis à jour la stratégie nationale d'exportation de café pour l'Ouganda. Nous soutenons l'Organisation Interafricaine du Café (OIAC) dans ses efforts pour la relance du secteur public et pour la rationalisation de la recherche sur variétés améliorées et dans d'autres domaines. Il est évident que le soutien de l’ITC ne se résume pas à un discours : il se traduit en actions.

Trois aspects clés sont, à mon sens, essentiels pour concrétiser cette relance : assurer la coordination public-privé dans le développement du secteur, assurer la durabilité de celui-ci et autonomiser les femmes. Je vais maintenant les aborder rapidement.

Les partenariats public-privé sont essentiels

Nous le savons d'expérience : cette relance n’est possible qu’à travers un large partenariat dans le secteur entre acheteurs internationaux, exportateurs, producteurs, secteur public et institutions d’appui telles que l’ITC.

On ne saurait attendre des acteurs du secteur public ni d’un exportateur dans la chaîne d'approvisionnement qu'ils règlent, seuls, des problèmes tels que le vieillissement des fermiers, la baisse du rendement des cultures, le changement climatique, la faible recours à la technologie, le bas niveau de productivité et la qualité médiocre. Ceci est d'autant plus important dans un monde où le maintien des bas prix exige que nous prenions en considération de manière systématique tous les coûts de la chaîne de production pour rester compétitifs. Même s ce type de coopération a déjà fait ses preuves, il serait juste de dire qu’il reste encore des efforts à fournir afin de favoriser le dialogue public-privé dans ce domaine en Afrique.

Le dialogue public-privé sera le thème des réunions avec les éminentes autorités que je vais rencontrer au Burundi et je serais très intéressée à les entendre au sujet de ce qu’ils considèrent comme les priorités nationales en matière de développement des exportations. J'ai la conviction que le café fait partie de ces priorités. Ce produit compte pour plus de 25% des gains liés à l'exportation au Burundi et fait vivre des centaines de milliers de personnes. Avec de tels chiffres, le consommateur qui pense café doit nécessairement penser Burundi. Ensemble, nous pouvons relever le profil du Burundi comme l'un des principaux producteurs et exportateurs de café. Nous allons lancer " le label Burundi".

La libéralisation de ce secteur au Burundi ouvre la voie aux transformations nécessaires. Cependant, il reste un certain nombre de défis à relever, notamment la haute fluctuation des niveaux de production.

Pour amener les parties prenantes à agir ensemble, il faut un plan stratégique national pour le secteur du café et un plan d'action détaillé. Nous amis de l’AFCA ont déjà commencé à y réfléchir et j’ai proposé une réunion avec Intercafé et l’ARFIC afin d’envisager la suite. J'encourage les partenaires du développement et le gouvernement du Burundi à en faire une priorité et j’offre notre soutien en ce sens.

Un élément clé de cette stratégie est l’investissement actif du secteur privé dans le développement de ce secteur, selon une formule qui devrait combiner l'aide, le commerce et l'investissement. Les sociétés privées devraient poursuivre leurs investissements dans le secteur public en développant des fournisseurs. La bonne santé de l'ensemble du secteur est le seul moyen d'assurer l'offre, comme le montre un certain nombre d’exemples tels que la Fondation Kahawatu ici même au Burundi, ainsi que les divers cas où torréfacteurs, partenaires de développement et même des entités du secteur public s'allient pour améliorer le rendement et la qualité de la production.

Assurer la durabilité du secteur

Un autre élément que nous jugeons essentiel est assurer la durabilité du secteur en réduisant la complexité et le coût des procédures et en augmentant le soutien aux producteurs. Le programme « Commerce en faveur du développement durable » (T4SD) proposé par l’ITC recense les informations en matière de normes et propose en toute neutralité des informations et des conseils aux fournisseurs, dans une vaste gamme de secteurs.

Pour le café, nous avons les principales normes reconnues telles que les normes 4C, bio, commerce équitable, Utz et RainForest Alliance. La prolifération des normes renchérit les coûts et accroît la complexité pour les producteurs désireux de s'y conformer davantage.

Au départ, le programme T4SD avait pour but de récolter des données et d’améliorer la transparence. Aujourd’hui, nous sommes au cœur des normes de durabilité, ce qui nous permet d'agir comme une force de convergence et d'interopérabilité des normes. Le fait de rendre les normes moins complexes et davantage comparables peut augmenter considérablement leur impact positif et aider les producteurs qui cherchent à se développer à mieux les identifier et à les atteindre. Nos amis de la 4C adoptent cette même approche dans le cadre de leur plateforme.

Outre cette démarche en vue d’une convergence, nous devons relever le défi de rendre la conformité aux normes moins onéreuse et plus aisée. En 2014, nous lancerons un outil d'auto-évaluation permettant aux producteurs d'établir à la fois des points de référence et d’établir des rapports sur un ensemble de normes. Nous lançons des projets-pilotes dans de multiples secteurs, avec l'Agence allemande pour la coopération internationale (GIZ), l'Initiative pour le commerce durable des Pays-Bas (IDH) ainsi que d'autres plans d'action visant à rattacher directement cette auto-évaluation à l'assistance technique et à l'élaboration de rapports. Si nous réussissons, cela pourrait devenir un outil universel pour étalonner les normes, établir des rapports et viser l’assistance technique aux fournisseurs dans divers secteurs.

L’autonomisation des femmes

Enfin, le dernier élément pour relancer le café africain et la raison de ma présence ici aujourd'hui : l’autonomisation des femmes.

En 2008, l’ITC et l’AFCA ont mené une enquête sur le rôle des femmes et la possibilité de libérer leur potentiel d'activité dans le secteur du café. Avec le soutien du Département britannique pour le développement international (DFID) et celui de l'Alliance internationale des femmes pour le café (IWCA), l’ITC a mis en œuvre un projet visant à autonomiser les femmes de cinq pays d'Afrique de l'Est qui a débouché sur la création de nouvelles sections de l’IWCA en Afrique de l'Est et une quantité impressionnante de ventes réalisées par les femmes auprès des gros acheteurs. Grâce aux Forums et expositions des femmes d’affaires, dont celui qui s’est tenu à Mexico en 2012, nous avons généré pour des millions de dollars de vente dans le secteur du café, entre autres. Les femmes ayant participé à ces forums ont gagné davantage de confiance en elles, un réseau d'affaires plus important et plus large ainsi qu’une meilleure participation à la prise de décision.

2014 est une année importante. On reconnait l’importance de l’autonomisation des femmes, notamment en termes de productivité et de qualité. Le moment est venu de passer de la parole aux actes en soutenant les programmes pour l'égalité des chances entre hommes et femmes et les actions spécifiquement conçues pour guider les femmes tout au long de la chaîne de valeurs. Bon nombre d'exemples ont été cités au cours des réunions "Femmes et café" de ce début de semaine, y compris des groupes de mentors acheteurs, grâce auxquelles des acheteurs et des femmes susceptibles de devenir leurs fournisseurs ont pu échanger des informations et établir des relations à moyen terme.

Avec l'AFCA, nous avons rejoint un certain nombre de partenaires pour développer le concept " le café, c'est génial" que nous avons présenté au secteur, il y a deux jours. Ce projet vise à aider l'AFCA à établir une cohérence entre les initiatives en faveur de l'égalité hommes-femmes et celles en faveur des jeunes dans toute l'industrie en Afrique.

J'ai également le grand plaisir de vous annoncer que grâce au généreux soutien d’UKaid, l’ITC va lancer la seconde phase du projet " Les Femmes et le Café". Il s'agit d'aider les femmes à entrer en contact avec les acheteurs et les fournisseurs d'assistance technique. Nous allons procéder à notre investissement le plus massif ici même, au Burundi, avec Isabelle et Angel de la section burundaise de l’Alliance internationale des femmes pour le café (IWCA) ainsi qu'avec d'autres partenaires sur le terrain.

Pour marquer son 50ème anniversaire cette année, l’ITC organisera le Forum mondial pour le développement des exportations à Kigali, au Rwanda. Ce sera le premier Forum jamais organisé en Afrique et dans un pays du groupe des moins avancés. Ce Forum rassemblera les principaux représentants du monde des affaires, des gouvernements et des institutions d’appui pour traiter de sujets brûlants dans le domaine du développement des exportations. Cette année, l'accent sera mis sur la manière d’engendrer des synergies entre petites et moyennes entreprises afin de créer des emplois grâce au commerce. Nous mettrons aussi l'accent sur le commerce business to business, notamment sur le développement des liens entre les femmes entrepreneures et les acheteurs. Je peux vous assurer que le secteur du café y occupera une place prééminente et je vous invite à vous joindre à nous au Rwanda à la mi-septembre.

Je remercie encore une fois l'Association des cafés fins d’Afrique de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer devant vous et je me réjouis de poursuivre notre fructueuse collaboration.