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Soutenir les femmes en Afrique

14 janvier 2013
ITC Nouvelles
Les femmes d'affaires en Afrique créent des emplois et ajoutent de la valeur aux exportations de manière innovante en dépit des diffi cultés auxquelles elles sont confrontées telles que l'accès limité à la formation à l'exportation, aux informations sur le marché et aux fi nancements, en plus des autres obstacles liés à l'environnement d'affaires.

Depuis 2007, ACCÈS!, le programme de formation à l'exportation de l'ITC, vise à surmonter ces obstacles en renforçant la compétitivité de plus de 2500 exportatrices et ce grâce à un réseau de plus de 60 formateurs nationaux certifi és, 4 formateurs principaux certifi és et un programme de formation complet en 32 modules disponibles tant en français qu'en anglais. De plus, ACCÈS! vise à renforcer les capacités des IAC tels les ministères du commerce, les chambres de commerce et les associations professionnelles des femmes.

ACCÈS! est aujourd'hui reconnu en Afrique, aide les exportatrices de 20 pays à exploiter pleinement leur potentiel économique, contribuant ainsi à la réduction de la pauvreté à long terme et à l'amélioration des niveaux de vie. Les études de cas ci-après ne sont que quelques exemples de femmes entrepreneurs d'Afrique qui ont bénéfi cié d'ACCÈS! Ils montrent comment elles ont réussi à gérer leurs entreprises en dépit des nombreuses diffi cultés rencontrées et comment ACCÈS! a aidé à leur donner un avantage compétitif sur les marchés mondiaux.

En plus de créer des emplois et de dégager des recettes à l'exportation, nombre de ces femmes sont le fer de lance du développement de nouvelles branches d'activité dans leurs pays (écotourisme en Éthiopie, agriculture au Tchad et transformation alimentaire au Ghana). Ces femmes ont aussi en commun leur engagement en faveur de la croissance durable des entreprises qui bénéfi cie aux consommateurs, aux communautés et à l'environnement local.

Ces femmes disent d'ACCÈS! qu'il leur a donné visibilité et courage pour surmonter les obstacles et se lancer sur de nouveaux marchés internationaux grâce au savoir, à la confi ance et aux réseaux créés. Plusieurs participantes affi rment que le soutien technique reçu dans le cadre de leur formation à l'exportation et des programmes de conseil personnalisés leur ont permis de restructurer leur entreprise pour en optimiser l'effi cacité et maximiser les débouchés commerciaux régionaux et internationaux.

ACCÈS! et ses services de développement à l'exportation destinés aux entreprises de femmes seront progressivement offerts en dehors du continent africain en 2013. L'ITC travaille sur des initiatives semblables pour d'autres régions et espère que les femmes qui ont bénéfi cié du programme partageront les connaissances et l'expérience accumulées. Les entreprises prospères gérées par ces femmes et l'héritage d'ACCÈS! continueront ainsi d'améliorer les débouchés offerts à l'avenir aux autres femmes d'affaires.

Comme le dit Sébastien Turrel, Conseiller principal en promotion du commerce, Bureau pour l’Afrique de l'ITC: 'Nous devons veiller à laisser un héritage solide pour que nos activités perdurent par-delà le programme. Il est là, il fonctionne et il est axé sur les pays.' La demande de produits innovants, l'ingéniosité et la tenacité des femmes africaines sont un fait et elles sont capables de relever le défi .

ACCÈS! a été conçu et mis en oeuvre avec l'appui de l'Agence canadienne de développement international (ACDI) au titre du Programme de renforcement des capacités commerciales en Afrique et en étroite collaboration avec des partenaires publics et privés au sein du COMESA, de la CEDEAO et de la CEEAC. L'ITC est en train d'adapter le programme pour répondre aux besoins des femmes entrepreneurs d'autres régions du monde. Pour de plus amples informations, consulter le site: www.womenexporters.com

Étude de cas: l'aventure plutôt que la sécurité

Samrawit Moges travaillait pour National Tour Operation Éthiopie depuis 10 ans lorsqu'elle a décidé de se mettre à son compte. En 1997, après avoir obtenu, non sans peine, un prêt commercial et après quatre ans d'épargne, elle a créé Travel Ethiopia et acheté une flotte de Land Cruisers pour conduire les touristes jusqu'aux sites spectaculaires de son pays.

Ce fut une période difficile pour le tourisme et Moges devait continuer à rembourser son prêt. En ne baissant pas les bras et en adoptant des stratégies innovantes Travel Ethiopia réussit à survivre. Elle est aujourd'hui un des premiers organisateurs touristiques du pays, emploie 35 personnes à temps plein, travaille avec des clients européens et nord-américains et a des entreprises affiliées dans les communautés dans lesquelles elle travaille. ‘Le tourisme marche aujourd'hui très bien en Éthiopie,' affirme Moges. 'Son offre est diversifiée – sites historiques, culturels, merveilles de la nature et safaris – et Travel Ethiopia est bien placée pour rendre cette offre accessible.'

Pour aider son entreprise à exploiter les débouchés existants, le Centre pour l'autonomisation économique des femmes africaines (point focal d'ACCÈS! en Éthiopie) a présenté à Moges le programme de conseil aux entreprises d'ACCÈS!. 'Le programme de conseil aux entreprises m'a vraiment ouvert les yeux,' affirme Moges. 'J'étais dans les affaires depuis plus de 10 ans mais je ne m'étais jamais fixé d'objectifs. Le programme m'a aidé à m'en fixer et à élaborer des recommandations pour les atteindre. Le conseiller formé par l'ITC m'a donné d'excellents conseils, s'est montré très collaboratif et professionnel. Je me suis donné six mois pour mettre en oeuvre les recommandations, restructurer l'entreprise et élaborer un plan de formation pour mes employés.'

Comme l'avait recommandé les conseillers d'ACCÈS! Moges a aussi engagé un consultant. 'Nous avons procédé à une évaluation et souhaitons à présent transformer entièrement l'entreprise pour en faire le premier organisateur touristique d'Éthiopie,' a-t-elle déclaré. L'entreprise est bien placée pour atteindre cet objectif sur le marché de niche de l'écotourisme, le soussecteur du tourisme qui connaît la plus forte croissance et présente le plus d'avantages pour les communautés locales.

En tant que co-fondatrice de la Ethiopian Ecotourism Association, Moges s'est assurée que son entreprise était bien enracinée dans les domaines dans lesquels elle travaille. Citons par exemple Village Ethiopia, l'entreprise affiliée à Travel Ethiopia, qui exploite un écolodge durable et communautaire dans la région d'Afar. D'autres débouchés ont aussi vu le jour car Travel Ethiopia investit dans les partenariats locaux, lesquels ont permis la création d'entreprises dans des secteurs liés au tourisme, y compris à Koko une ferme horticole qui emploie 300 femmes.

Moges a réussi au prix de sacrifices personnels. Elle explique que privilégier le travail et ne pas pouvoir être tout le temps avec ses enfants lorsqu'ils étaient petits a été difficile; il lui a aussi fallu renoncer à de nombreux événements de réseautage pour être avec sa famille. Elle estime toutefois que, dans l'ensemble, grandir en même temps que son entreprise a été enrichissant pour ses enfants et leur a ouvert une fenêtre sur la culture et le riche patrimoine de leur pays.

L'Éthiopie commence tout juste à exploiter le potentiel économique du tourisme et Moges a été conviée à jouer un rôle plus formel dans la promotion du secteur à l'étranger. Elle a par ailleurs été élue pour la deuxième fois au conseil d'administration de la Chambre de commerce de l'Éthiopie à Addis-Abeba. Conjugués à son rôle de pionnière de l'écotourisme et aux initiatives dérivées, ces rôles ne font que confirmer que si vous avez de l'ambition, mieux vaut parfois choisir l'aventure plutôt que la sécurité.

Étude de cas: l'aventure plutôt que la sécurité

Après avoir suivi une formation professionnelle, en 1995 Antoinette Koudjal Mangaral a créé son entreprise, Établissements KAMA, avec le soutien financier de son mari. Basée au Tchad, elle est spécialisée dans la récolte de la noix de karité et dans sa transformation en beurre de karité.

L'Afrique subsaharienne cultive déjà l'essentiel de la noix de karité exportée dans le monde mais la région recèle encore un important potentiel de production inexploité. À titre d'exemple, au Tchad seul un petit pourcentage des millions d'arbres à karité du pays sont récoltés, en dépit d'une forte demande locale de beurre de karité pour la cuisine et les cosmétiques. Le potentiel à l'exportation est tout aussi important – à elle seule l'Europe consomme jusqu'à 60 000 tonnes de beurre de karité par an.

Lorsque Mme Mangaral a lancé son entreprise, elle savait que sa réussite dépendrait du développement du secteur agricole dans tout le pays. Pour s'assurer de pouvoir influencer et promouvoir le secteur, elle proposa de diriger l'Association tchadienne des opérateurs du secteur agroalimentaire en 2003. Une fois élue, elle a travaillé d'arrache-pied pour créer une dynamique et soutenir le secteur. Sous sa direction l'association n'a par ailleurs cessé de croître.

Mme Mangaral a aussi rejoint une association de femmes artisanes comptant plus de 1000 membres, dont certaines approvisionnent les Établissements KAMA en matières premières. Elle est en outre membre de l'Association des femmes commerçantes du Tchad depuis plus de 10 ans et y assume un rôle de mentor pour les femmes d'affaires des zones rurales. Sa réussite et ses actions positives ont valu à Mme Mangaral la reconnaissance par le Tchad de sa contribution au développement économique du pays et à la promotion des femmes dans les affaires.

Et pourtant, en dépit de son expérience de taille, Mme Mangaral a jugé bon de suivre le programme de formation ACCÈS! 'J'ai totalement restructuré mon entreprise. J'ai réorganisé toutes les tâches réalisées au sein de l'entreprise; nous avons renforcé notre système comptable et je me suis davantage impliquée dans certains domaines dont la supervision méritait d'être améliorée. Je forme à présent mon personnel pour qu'il puisse gérer l'entreprise lorsque je suis à l'étranger pour développer les marchés d'exportation. J'ai aussi transféré des compétences pour une meilleure gestion de la chaîne d'approvisionnement. Tout roule à présent.'

'J'ai tout particulièrement profité des formations à la négociation, à l'établissement des prix et aux INCOTERMS® 2010,' affirme Mme Mangaral, se référant aux termes commerciaux prédéfinis de la Chambre de commerce internationale largement utilisés dans les transactions commerciales. 'Par le passé, je ne me préoccupais guère de ces questions. Les gens s'adressaient aux Établissements KAMA pour acheter nos produits, mais je ne connaissais pas grand chose aux conditions des contrats. La formation ACCÈS! m'a aidé à formaliser les contrats sur la base de transactions commerciales et il s'est avéré qu'ils préservent mieux mes intérêts.'

Au Tchad, le point focal du programme ACCÈS! est la Chambre de commerce, d'agriculture, des mines et de l'artisanat. Le point focal ACCÈS! a réellement démontré qu'il était engagé à offrir le programme et ses services à toutes les femmes,' affirme Mme Mangaral, 'tant en développant le programme dans d'autres régions du Tchad qu'en tissant pour nous des liens avec les marchés des pays voisins'.

Dans l'ensemble, l'avenir s'annonce très prometteur pour l'entreprise créée par Mme Mangaral il y a 17 ans et ce en dépit de l'instabilité politique et de la guerre civile qui caractérisent son pays. La demande de beurre de karité reste forte et les infrastructures économiques nécessaires pour y répondre sont bien plus développées que lorsqu'elle s'est lancée dans l'aventure.

Étude de cas: de vingt pièces à trois tonnes

Paully Appiah Kubi a eu l'idée de créer son entreprise après avoir constaté que des fruits et légumes de qualité étaient gâchés faute d'installations de stockage et de transformation dans la campagne du Ghana. Bien que l'entreprise n'ait qu'une poignée de concurrents, Kubi a d'emblée cherché à se distinguer. Grâce à son expérience de scientifique spécialisée dans l'alimentation, elle savait comment préserver la grande valeur nutritionnelle des fruits et légumes en phase de séchage – une considération toujours plus importante aux yeux de nombreux consommateurs.

Kubi a créé Ebenut Ghana en 1996, à partir d'un petit atelier local équipé d'un seul séchoir capable de traiter 20 fruits ou légumes à la fois. Bien que n'ayant guère de rivaux directs, elle s'est efforcé de différencier d'emblée son entreprise en employant des procédés qui lui ont permis de créer une ligne de produits certifiés biologiques et issus du commerce équitable. Sa stratégie a fonctionné: Ebenut emploie aujourd'hui près de 50 personnes, traite et vend trois tonnes de produits séchés par mois et exporte vers l'Afrique de l'Ouest, l'Europe et les États-Unis.

Le programme ACCÈS! de formation à l'exportation suivi par Kubi et géré par l'Autorité de promotion des exportations du Ghana a bénéficié à l'activité de l'entreprise à l'exportation. Kubi affirme: 'Le programme couvre un grand nombre de questions en rapport avec l'exportation qu'il est important de bien comprendre. J'ai particulièrement apprécié les modules de formation sur les INCOTERMS® 2010 et les négociations. Forte de cette nouvelle confiance, je peux discuter avec les clients et tout le monde est gagnant. La connaissance écarte la peur de se lancer sur de nouveaux marchés.' Kubi a aussi participé au Programme de conseil aux entreprises ACCÈS! et espère qu'il lui permettra d'adopter la meilleure stratégie pour lancer une nouvelle ligne de produits en Amérique du Nord.

Le sens des affaires de Kubi a été salué en 2008 lorsqu'elle a été nommée par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement pour le Prix annuel de la femme chef d'entreprise. Elle est en outre un membre respecté de l'Association of Ghana Industry et du Empretec Business Forum. Et pourtant, en dépit d'excellentes perspectives de marché, de produits de grande qualité et d'une reconnaissance internationale des résultats de son entreprise, Ebenut est pour ainsi dire dans l'impossibilité d'obtenir des fonds d'une institution financière officielle. Au Ghana les femmes ont très peu accès aux nantissements exigés dans la plupart des cas pour obtenir un prêt.

'Pendant trois ans les banques n'ont pas voulu m'accorder de prêt,' affirme Kubi. 'Elles proposent de prêter en fonction des commandes et j'en ai beaucoup. Mais je ne peux pas prendre le risque d'accepter des augmentations de commandes importantes de peur que les banques ne suivent pas.' Comme de nombreuses femmes de la région, elle doit directement réinvestir ses bénéfices dans une expansion réfléchie de son activité. C'est pour cette raison qu'Ebernut refuse environ sept tonnes de commandes par mois, ratant ainsi une occasion de s'approvisionner auprès d'agriculteurs locaux, d'engager du personnel et de doper les exportations du Ghana.

Le manque de liquidités a aussi eu une incidence sur la préparation d'Ebenut à la récession économique: 'À cet instant nous aurions dû redoubler d'efforts pour commercialiser nos produits, assister à des foires commerciales et développer notre marché.' Kubi a réagi en renforçant la présence d'Ebenut sur le marché local: 'Dès lors que vous avez surmonté autant d'obstacles, vous vous y faites et vous trouvez des solutions; vous n'allez pas fuir.'

Cette année, Ebenut a élargi sa gamme de fruits séchés, de fruits à coque et de légumes et propose des versions instantanées de riz jollof et de gari foto traditionnels du Ghana. Forte des nouvelles connaissances acquises et de la confiance gagnée, Kubi prévoit déjà de lancer les produits sur de nouveaux marchés. Elle affirme: 'Je sais que le programme de conseil aux entreprises ACCÈS! sera un facteur clé dans cette nouvelle étape.'