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Création de valeur et stratégie d’achat

27 octobre 2011
ITC Nouvelles

Les fabricants européens étant confrontés à une concurrence de plus en plus acharnée de la part de nouvelles sources asiatiques, c’est vers les fournisseurs que l’on se tourne à présent pour trouver de nouveaux avantages compétitifs. Le présent article traite du rôle stratégique des achats différenciés et de la gestion stratégique de l’approvisionnement à l’appui des stratégies par produit/marché et commerciales globales des entreprises.

Achats et stratégie concurrentielle 

En Europe occidentale, les entreprises semblent sous-représentées dans le domaine des nouvelles technologies. Nombreux sont les secteurs qui semblent aujourd’hui confrontés à une saturation ou à un recul du marché, et nombreuses sont les entreprises qui optent pour une ‘croissance sélective’ – un renforcement de leurs activités de base et le lancement de nouvelles activités - et abandonnent les activités non essentielles.

Cette situation est généralement due aux facteurs suivants:

Externalisation accrue, suite à la réalisation d’études ‘faire ou faire faire’. À titre d’exemple, un fabricant d’équipements de bureau a constaté que ses coûts de fabrication internes étaient considérablement plus élevés que ceux des fournisseurs extérieurs, ce qui l’a poussé à se lancer dans un programme ‘faire ou faire faire’. L’entreprise est ainsi passée à un niveau d’assemblage supérieur et se concentre à présent
sur la conception, la commercialisation et les ventes, renonçant pour cela à l’essentiel des opérations de fabrication de composants.

Achat de produits finis plutôt que de composants. À titre d’exemple, l’industrie textile d’Europe occidentale a réagi à la concurrence opposée par les ‘pays à bas salaires’ en déplaçant leur production vers les PED. Les gros détaillants achètent les matières premières, lesquelles sont ensuite expédiées, avec le modèle de base, vers les pays à bas salaires.

Livraison clé en main. Les fabricants de clôtures industrielles, par exemple, doivent livrer des produits clé en main (à la demande de l’acheteur), gérer toutes les installations, y compris les équipements de sécurité et de surveillance (caméras, systèmes d’entrée sans clef) obtenus auprès de fournisseurs spécialisés, ce qui entraîne une augmentation du poste achats dans les coûts de production.

Progrès technologique.Dans certains secteurs d’activité, la technologie évolue à un rythme tel que même les gros fabricants ne peuvent pas se permettre d’être à la traîne. C’est le cas, par exemple, des fabricants d’ordinateurs qui doivent s’approvisionner en microprocesseurs auprès de fournisseurs spécialisés.

 

Le cahier des charges de la gestion des achats et de l’approvisionnement a évolué 

Le cahier des charges traditionnel en matière de gestion des achats et de l’approvisionnement a progressivement évolué. La politique traditionnellement axée sur les coûts des achats implique de faire plus avec moins de fournisseurs, par l’approvisionnement mondial, par un approvisionnement agressif et des appels d’offre et la gestion de contrats électroniques. Les responsables des achats doivent réduire les risques par l’approvisionnement unique (‘single sourcing’), l’implication précoce des fournisseurs, l’externalisation et les partenariats. Les responsables des achats doivent exhorter les fournisseurs à toujours améliorer la valeur de leurs produits, éclairés par une connaissance partagée des futurs plans d’investissement pour favoriser l’intégration de la chaîne d’approvisionnement. Les relations avec les fournisseurs deviennent stratégiques.

 

Faire des achats un élément à part entière de la politique de l’entreprise 

La stratégie commerciale exige un positionnement vis-à-vis de trois protagonistes de premier plan. Les employés ou les ‘syndicats’ peuvent constituer un quatrième protagoniste, les connaissances et le capital humain étant reconnus comme des facteurs clé de réussite. Le ‘triangle stratégique’ est constitué par les protagonistes suivants (voir Figure 1) :

1.Le client ou les groupes cibles.Les produits et les services doivent être adaptés à chaque groupe cible, ce qui exige l’adoption de stratégies par produit/marché spécifiques.

2.Les principaux concurrents.Les entreprises doivent répondre aux besoins des clients pour obtenir un avantage concurrentiel spécifique et durable par rapport à leurs concurrents, comme par exemple un meilleur positionnement en termes de coût, l’image de la marque, la qualité du produit, l’excellence logistique et le service client. Les résultats obtenus doivent en permanence être comparés à ceux des meilleurs de la branche.

3.Les principaux fournisseurs. Les activités de production et les services d’appui doivent faire l’objet d’un examen continu afin d’en mesurer la compétitivité. S’il s’avère que les activités de production ne sont pas compétitives à long terme, la sous-traitance devra être envisagée et/ou des partenariats avec des fournisseurs.

Figure 1 

 

À titre d’exemple peut être cité le secteur européen de l’automobile qui sous-traite la conception et la production des soupapes pour compresseurs de boîtes automatiques auprès d’un fournisseur spécialisé. La relation est basée sur une interdépendance mutuelle.

L’approvisionnement mondial remplace progressivement l’approvisionnement national afin de réduire le coût total du produit.

La demande de produits génériques, de base, est relativement prévisible, leur cycle de vie est long, et ils se prêtent à l’approvisionnement mondial, alors que les produits spécialisés innovants dont le cycle de vie est court, dynamique, exigent un réseau extrêmement structuré de fournisseurs locaux. Ceci explique l’adoption d’approches à la fois locales et mondiales dans les relations avec les fournisseurs.

 

Vers des stratégies d’achat améliorées 

Lorsque l’accent est mis sur la valeur, les stratégies d’achat doivent être adaptées à la stratégie commerciale d’ensemble de l’entreprise. Bien que basé à l’Université d’État du Michigan, Robert M. Monczka a lancé une Initiative d’analyse comparative de l’approvisionnement mondial et de la chaîne d’approvisionnement mondiale afin de permettre aux entreprises de comparer leurs procédures d’achat et d’approvisionnement et de s’inspirer des meilleurs pratiques. Pour les entreprises participantes le programme se divisait en plusieurs étapes:

Internalisation/externalisation.Les entreprises déterminent si une activité contribue à l’obtention d’un avantage compétitif. La décision est alors prise d’internaliser ou d’externaliser.

Élaboration de stratégies pour les produits de base qui correspondent à la stratégie commerciale globale de l’entreprise.Les dépenses liées aux achats sont étudiées dans le détail. Les ‘produits de base’ sont définis au sens large et peuvent englober les matières premières, les composants techniques et de haute technologie, de même que les produits standard déjà disponibles. Parmi les questions examinées figurent la question de savoir si l’entreprise doit opter pour la normalisation des produits et réduire la gamme de ses produits, quel est le nombre idéal de fournisseurs et le type de relations à privilégier. Des plans sont établis pour définir les responsabilités, les calendriers et le suivi des progrès. Les bénéfices escomptés doivent être clairement définis.

Instaurer et utiliser un système de gestion de la base d’approvisionnement de niveau mondial.La gestion de la base d’approvisionnement couvre le nombre de fournisseurs par produit de base, les conditions et les qualifications auxquelles les meilleurs fournisseurs devraient satisfaire et comment ils seront sélectionnés. Les fournisseurs sont soumis à enquête et comparés les uns aux autres.

Instauration et gestion de relations avec les fournisseurs. Les fournisseurs sont classés en différentes catégories telles celles utilisées par Philips: fournisseurs commerciaux (fourniture selon un cahier des charges déterminé), fournisseurs privilégiés (réciproques) et parties-fournisseurs (travail intensif sur les nouvelles technologies, les nouveaux produits et débouchés). Le partenariat est un succès lorsque les fournisseurs n’ont plus le sentiment que leur client cherche simplement à déterminer leur marge bénéficiaire afin de la réduire.

Intégration des fournisseurs au processus d’élaboration des produits.Les experts techniques des fournisseurs rejoignent les équipes de recherche-développement et d’autres équipes de projets et vice-versa. Concilier différentes méthodes de travail, styles de gestion et cultures peut s’avérer compliqué.

Intégration du fournisseur au processus d’exécution des commandes.Des équipes conjointes s’efforcent d’améliorer la réactivité et le service à la clientèle, l’utilisation des avoirs, de réduire les stocks circulants et d’améliorer la souplesse de la transaction grâce aux TIC.

Développement des fournisseurs et gestion de la qualité.Les fournisseurs doivent apporter de nouvelles idées d’amélioration (conception de produits, techniques de production et processus commerciaux, par exemple). Les fournisseurs peuvent mettre un terme à la coopération s’ils estiment que leurs idées ne sont pas suffisamment prises en compte.

Gestion stratégique des coûts.Les deux parties (ou groupes de fournisseurs) travaillent avec leur client pour réduire les coûts tout au long de la chaîne d’approvisionnement.

L’auteur estime que le développement du fournisseur et la gestion de la qualité devraient se voir accorder davantage de priorité et être ajoutés après la troisième étape du programme proposé.

Les responsables des achats doivent tenir compte de six processus habilitants (Figure 2). Les stratégies doivent être adaptées aux produits. Les groupes de produits et la base de fournisseurs sont analysés à l’aune de deux critères: effets des achats sur la rentabilité; et risque associé à l’achat d’une marchandise donnée. La seconde étape consiste à analyser les quatre catégories de produits: stratégiques; à effet de levier; goulets d’étranglement; et normaux. Des stratégies d’approvisionnement peuvent être élaborées pour chacune. Les partenariats et les appels d’offre doivent être envisagés comme des stratégies complémentaires plutôt qu’exclusives. Les quatre stratégies d’approvisionnement de base servent des objectifs différents.

Figure 2 

 

Résumé 

‘Se concentrer sur son activité principale’, telle est aujourd’hui la devise alors que les achats suscitent davantage d’intérêt de la part des directions des entreprises. Nombreuses sont les activités pouvant être réalisées à moindre coût par des fournisseurs spécialisés, les entreprises y gagnent en souplesse et la direction peut alors se concentrer sur son ‘activité principale’. Le rôle stratégique des achats est de constituer une base d’approvisionnement mondiale, compétitive, et d’intégrer ces fournisseurs aux processus d’affaires de l’entreprise.

 

 

 

Il s’agit d’une version adaptée d’un article publié par R. Boutellier et S. Wagner, Chancen Nutzen, Risiken Managen. Band 4, pp. 197-215. Zurich: SVME, 2005. Une version espagnole a été publiée dans Gestión de Compras, Año X, No. 45, pp. 12-20, janvier-février 2006. 

1 Monczka, R.M. (2002) cité par NEVI (2002), Nederlandse bedrijven op weg naar Purchasing Excellence, Resultaten Project 1, Zoetermeer.