Compléter les objectifs de développement pour doper la croissance économique
Les objectifs du Millénaire pour le
développement (OMD) ont marqué
autant par leurs succès que par leurs
échecs. Depuis l’an 2000, lorsqu’ils ont été
acceptés, on a constaté une réduction du
nombre de personnes vivant dans une pauvreté
extrême ainsi qu’une baisse du taux
de mortalité maternelle. D’un autre côté,
on constate un manque de cohérence entre
certains de ces objectifs et une nette inégalité
des progrès accomplis parmi les PED.
Les OMD ont également fourni une vison
incroyablement audacieuse en essayant d’établir
un programme véritablement mondial
pour le développement humain. S’agissant
des Objectifs de développement durable
(ODD) et de la période pour l’après-2015,
cette vision et cette ambition doivent être
assorties de courage et d’engagement.
Alors que les OMD visaient à traiter
certains symptômes de la pauvreté dans
le monde, le temps est venu de s’attaquer
aux causes. Pour ce faire, les ODD doivent
traiter des structures et des dynamiques de
pouvoir qui maintiennent les gens dans la
pauvreté. Ils doivent questionner les valeurs
auxquelles on a longtemps été attaché, en
particulier dans le domaine du commerce.
Les 17 ODD qui seront examinés par
l’ONU contiennent un langage certainement
encourageant. Ils proposent entre autres une
'croissance économique inclusive et durable'
et un 'travail décent pour tous'. Ils permettraient
de 'réduire l’inégalité', 'promouvoir
l’agriculture durable' et 'encourager une
consommation durable'. Ils semblent aborder
des problèmes de fond à l’origine de
beaucoup de pauvreté et de souffrance, avec
un accent mis sur l’importance du commerce
équitable.
De plus, on peut noter un changement
de discours dans les ODD proposés, qui
serait reconnu et applaudi par grand nombre de partisans du mouvement Fairtrade. Il
s’agit de reconnaitre qu’un marché 'libre'
qui échappe à toute gestion et qui met le
profit avant les personnes et la planète,
où les entreprises peuvent agir en toute
impunité, où le public est engagé dans une
consommation grandissante pour des prix
toujours plus bas qui dévaluent l’agriculture
en passant, est loin d’être durable et doit être
maîtrisé. La crise financière mondiale a trop
clairement montré qu’un marché libre non
maîtrisé peut détruire les moyens de subsistance
tout en enrichissant une minorité.
Les ODD pourraient facilement être
entravés par la faiblesse des politiques
nationales et internationales en matière
de marchés. La plupart des économies des
pays développés ont résisté à la régularisation
des marchés, partant du principe que
la réduction de la réglementation dopait la
croissance. Malgré le constat consternant
de la pauvreté et de l’exploitation à la fin de
la chaîne de valeur mondiale, les personnes
les plus marginalisées et les plus vulnérables
reçoivent très peu de soutien des gouvernements
nationaux et internationaux et ont peu de droits à la réparation. Trop souvent,
le commerce mondial semblait aller dans un
sens alors que les OMD, l’opinion publique
et les initiatives telles que Fairtrade allaient
dans le sens inverse.
Les ODD représentent une opportunité
de créer un environnement dans lequel tous
les acteurs – producteurs, commerçants,
consommateurs et décideurs politiques –
avancent ensemble dans la même direction.
Cette unité de vues se trouve au coeur du
commerce équitable, qui a cherché à montrer
que des règles commerciales solides
peuvent aider à créer un environnement
encore plus équitable. Si l’ambition des ODD
proposés n’est pas assortie d’un engagement
ferme des gouvernements à adopter une
législation les soutenant, on aura gaspillé
une opportunité de transformation.
Les ODD auront réussi le jour où les agriculteurs
et les travailleurs qui nourrissent
le monde pourront avoir confiance en leur
avenir et aussi se nourrir, où des scandales
tels que l’effondrement de la fabrique de
vêtements du Rana Plaza, ne se répéteront
jamais, où les entreprises chercheront véritablement
à prendre en compte leur impact,
et où les gouvernements s’assureront que les
marchés oeuvrent en faveur de l’humanité,
et non pas l’inverse.