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Alléger le fardeau des barrières non tarifaires

25 septembre 2012
ITC Nouvelles
Depuis la Seconde Guerre mondiale, l’histoire des politiques commerciales a enregistré des progrès remarquables en termes de réduction des droits de douane.

Dans les pays industrialisés, ils ont baissé pour atteindre un dixième de leur valeur antérieure, en grande partie sous l'effet des négociations préconisées par l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). Dans les pays en développement, les progrès ont été plus tardifs et moins marqués mais la majorité d'entre eux ont eu la sagesse de réduire fortement les tarifs douaniers. Les résultats de cette réduction ont en partie mis en lumière les barrières non tarifaires (BNT) et surtout incité les pays à tous les niveaux de développement à inventer de nouvelles BNT pour servir les objectifs que ne peuvent plus réaliser les droits de douane. Aujourd'hui, les BNT sont de loin la principale entrave au commerce.

La prolifération des BNT est volontairement protectionniste mais les effets secondaires involontaires ou imprévus des politiques poursuivies à d'autres fins le sont encore davantage. Quels que soient les objectifs, les BNT peuvent entraver gravement le commerce et compromettre la capacité des pays à prospérer sur les marchés mondiaux. Reste à savoir si le système commercial international actuel est capable de s'attaquer efficacement aux BNT. Le Cycle de négociations commerciales de Doha entamé en 2001 sous l'égide de l'OMC a offert une occasion d'engager la lutte. Le Programme de Doha pour le développement entendait réduire ou supprimer les différents types de barrières au commerce et diminuer les subventions souvent désastreuses, même si elles peuvent souvent accroître les échanges. Le Cycle de Doha a entamé sa onzième année de négociation et rien n'indique qu'il débouchera sur du concret. Il y a donc peu d'espoir que les négociations internationales réduisent ou limitent les BNT.

Cela ne signifie pas que l'OMC a perdu de sa pertinence; au contraire, le Mécanisme de règlement des différends (MRD) de l'OMC fonctionne toujours bien et devrait continuer en ce sens. Au fil du temps, il devrait gagner en importance, pour autant qu'il soit en mesure de s'attaquer aux BNT.

Alors même que les négociations multilatérales s'enlisent, les négociations hors OMC pour la création de zones de libre-échange (ZLE) et autres accords commerciaux préférentiels prolifèrent. On pourrait imaginer que la lutte contre les BNT sera traitée non plus à l'OMC mais dans le cadre de ZLE, et, dans une certaine mesure, c'est du domaine du possible. De même, on a réussi à traiter les questions commerciales hors du contexte multilatéral et indépendamment des ZLE via des négociations plurilatérales entre groupes de pays partageant un intérêt commun. Cette forme de négociation offre des opportunités de lutte contre des BNT particulières.

Pour comprendre la façon dont ces divers mécanismes parviennent ou non à lutter contre les BNT, il faut différencier celles-ci en fonction de leur finalité. Les tentatives pour réduire les BNT sont vouées à l'échec si elles ne tiennent pas compte de l'objectif visé. Il existe trois catégories de BNT: les politiques protectionnistes; les politiques d'assistance; et les politiques non protectionnistes.

• Les politiques protectionnistes sont utilisées par les pays dans le but déclaré d'aider leurs propres entreprises et industries au détriment de celles d'autres pays. Cet objectif a souvent servi de prétexte pour prélever des droits; le GATT et l'OMC s'efforcent de contrecarrer cette pratique. Les BNT au service de cet objectif (quotas d'importation, exigences de contenu local et pratiques de passation des marchés publics) se rapprochent souvent des droits de douane de par leur impact sur l'économie. La collaboration entre le GATT, créé pour combattre le protectionnisme explicite, et l'OMC a été très efficace pour abaisser les tarifs douaniers et limiter modérément ces types de BNT.

Les pays qui recourent aux BNT explicitement protectionnistes savent que des plaintes peuvent être portées devant l'OMC et qu'ils perdront. Cela pourrait suffire à les dissuader de poursuivre dans cette voie. Par exemple, la politique d'incitation des États-Unis de 2008, devait, au départ, limiter les dépenses gouvernementales en matière d'importation. Le Président Obama a pu obtenir une modification de la loi pour empêcher ces restrictions qui contreviendraient aux obligations des États-Unis en matière de commerce au titre de l'OMC et en vertu de l'Accord de libre-échange nord-américain.

• Les politiques d'assistance entendent aider les entreprises et les industries nationales au détriment non explicite des concurrents étrangers. Les subventions intérieures répondent à ce concept tout comme les mesures de renflouement durant et après la crise financière mondiale. Ces politiques ont des effets négatifs indéniables sur les entreprises étrangères mais ce n'est pas le but visé. Les règles internationales définies par l'OMC jugent plus difficile de lutter contre ces politiques que contre le protectionnisme. Les gouvernements souverains ne renonceront pas à leur droit d'aider leurs citoyens et il est tout simplement impossible aux règles internationales de l'OMC d'interdire ces politiques. Dans le passé, les règles ont juste permis aux pays touchés de répondre pour se protéger. C'est la raison d'être des droits compensateurs de l'OMC qui fonctionnent relativement bien pour cette catégorie restreinte de politiques, essentiellement des subventions, à laquelle ils s'appliquent.

Malheureusement, il n'existe pas d'outils permettant aux pays de se protéger contre les effets négatifs de nombreuses autres politiques d'assistance. Par exemple, si le renflouement d'une entreprise automobile permet à celle-ci de soutenir la concurrence sur les marchés étrangers vers lesquels elle-même et un autre pays exportent, ce dernier n'a d'autre choix que de recourir à des subventions coûteuses pour protéger ses entreprises.

• Les politiques non protectionnistes sont sans doute les plus intéressantes. Elles n'ont pas vocation d'aider les industries nationales mais servent d'autres objectifs distincts. Il s'agit dans leur majorité de politiques censées protéger la santé et la sécurité des personnes, des animaux et des plantes, ainsi que l'environnement. De l'avis général, ces objectifs sont légitimes et partagés par de nombreux gouvernements mais les politiques mises en place pour les atteindre causent souvent des préjudices économiques à d'autres pays. Par exemple, si on protège la santé des consommateurs en exigeant que les produits alimentaires soient inspectés dans un pays, ceci crée une barrière pour les fournisseurs extérieurs, même si leur propre pays a des dispositions similaires. De même, sur un plan environnemental, un pays peut vouloir protéger les tortues de mer en voie de disparition en interdisant les méthodes de pêche à la crevette, qui nuisent aux tortues; l'interdiction ne pouvant être appliquée à l'étranger, le pays interdit les importations de crevettes des pays n'appliquant pas cette interdiction. Dans aucun des cas, la politique n'a pour but d'aider l'industrie nationale, qui pourtant subit une hausse des coûts, mais cette politique pénalise les exportateurs étrangers.

À l'instar des politiques d'assistance, la lutte contre les politiques non protectionnistes doit aller au-delà d'une simple interdiction car leurs objectifs peuvent être perçus comme légitimes et importants. Il faut trouver un moyen de réduire les effets néfastes sur d'autres pays. Pour certaines politiques, on peut adopter des normes communes ou obtenir la reconnaissance mutuelle de différentes normes. Pour d'autres politiques, le recours au MRD de l'OMC peut être efficace, notamment s'il peut faire pression sur les pays pour qu'ils trouvent des alternatives et réalisent leurs objectifs légitimes. C'est la solution adoptée pour les crevettes et les tortues de mer: une décision défavorable de l'OMC a contraint les États-Unis à lever leur interdiction sur les importations pour privilégier une assistance technique et aider les pêcheurs de crevettes étrangers à protéger les tortues.

Cela signifie qu'on peut s'attaquer aux BNT via les institutions existantes. À quelques exceptions près, le MRD de l'OMC est en mesure d'obliger les pays à renoncer à des politiques trop préjudiciables. Cette obligation est et sera toujours moyennement efficace pour empêcher les pays de causer de préjudices économiques majeurs à d'autres pays. Le cas échéant, la contrainte de l'OMC doit être combinée à la négociation de ZLE et avec des groupes multilatéraux pour une meilleure coordination des politiques, qui nuiraient autrement au commerce. Ces approches ne résoudront pas tous les problèmes liés aux BNT mais elles peuvent empêcher le système commercial international de sombrer dans le chaos.